L’édito du webzine. Combattre la droite et son extrême, une nécessité

Les politiques antisociales de Macron et de ses gouvernements successifs sont de plus en plus insoutenables. Elle misent sur la résignation et font le lit des idées les plus rétrogrades portées par l’extrême droite. La justice sociale et la dignité des travailleurs sont les grandes réponses progressistes pour une alternative solide.

Les héritiers des ultranationalistes combattu jadis par Jaurès ont, en 2025, pignon sur rue. La banalisation de l’extrême droite dans le débat public a permis de faire infuser ses idées de haine et d’exclusion dans la société.

Le projet de l’irresponsable Premier ministre François Bayrou de supprimer deux jours fériés, dont le 8 mai, illustre cette banalisation du mal. À quoi bon en effet commémorer la victoire sur le nazisme ? Ce projet d’un effacement de l’histoire se produit au moment même où nous devrions puiser dans les conquêtes sociales de l’après-guerre pour faire grandir notre modèle social né du programme du conseil national de la Résistance.

Bayrou, Macron et consorts ignorent la question sociale ou, quand ils y répondent, c’est par la répression. Quant à l’extrême droite, ils scandent « la préférence nationale », cette machine infernale qu’est le racisme divise, stigmatise.

La purge des 44 milliards d’économies prévue dans le futur budget 2026 avec la suppression de deux jours fériés, dont le 8 mai, date de la capitulation des Nazis, le gel, donc baisses, des pensions de retraite, des allocations familiales, des minima sociaux, des salaires des agents publics et suppressions de postes de fonctionnaire entraîne une régression sans pareil de la sociétés.

Le financement de la Sécurité sociale est aussi mis en danger par les cadeaux fiscaux qui se poursuivent. Le gouvernement entend mettre les hôpitaux au pain sec, doubler les franchises médicales, s’attaquer aux affections de longue durée et prévoit même de récupérer les fauteuils roulants et autres béquilles une fois les assurés décédés. Voilà jusqu’où va se le cynisme de ceux qui nous gouvernent.

Construire la riposte

Face à cette déclaration de « guerre sociale », les réponses de la gauche doivent être très ambitieuses. Sa responsabilité et au-delà celle de tous les progressistes est immense pour remettre au centre des débats la justice sociale et le combat contre les inégalités. Faute de quoi, l’extrême droite, déjà en embuscade, aura un boulevard en 2027.

Le 1er septembre, l’ensemble des syndicats de salariés se réunissent à Paris pour organiser la mobilisation. « Les travailleurs et les travailleuses ne se laisseront pas faire ! » a prévenu la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. Des décisions seront prises contre « ce nouvel accès de brutalité envers la société et le monde du travail », précise l’intersyndicale dans un communiqué.

L’intersyndicale soutenu par la gauche avait mené un long combat contre la retraite à 64 ans, entraînant des millions de manifestants dans les cortèges. Un travail patient de conscientisation des salariés, des citoyens qui n’a pas été vain en dépit du passage en force de Macron. Viennent aussi d’apparaître, tant la colère gronde dans les têtes, des appels pour mettre le pays à l’arrêt, le 10 septembre. Partis des réseaux sociaux et lancés par des anonymes et quelques anciennes figures des Gilets jaunes, ils ont reçu un écho important. Qu’en sera-t-il le jour J ?

Toutes les formations de gauche, du PS, en passant par la FI, EELV et le PCF, disent apporter leur soutien à ce mouvement et entendent même y participer, de même pour les syndicats qui pourraient prendre position le 1er septembre.

À ce contexte, s’ajoutent des échéances politiques majeures avec la tenue des élections municipales au printemps 2026 et de l’élection présidentielle un an plus tard. Le Nouveau front populaire a fait naître un espoir en 2024, cultivons le face à cette extrême droite plus que jamais en embuscade qui se nourri des politiques ultra-libérales.

Dominique Gerbault

« Bloquons tout », présidentielle : la gauche se mobilise à tâtons (L’Indep)

LFI, le PCF et les Écologistes sont en universités d’été, ce week-end, avant le PS la semaine prochaine. Parviendront-ils à parler d’une même voix, sur fond de contestation sociale ?

C’est le week-end des universités d’été des partis politiques de gauche. Et ça tombe bien, il était temps de se mettre en ordre de bataille à deux semaines d’une mobilisation sociale promise, aux contours encore flous : « Bloquons tout le 10 septembre ». Et à un peu plus de six mois des élections municipales, où il sera inévitablement question d’accords ou de désaccords de partis. Sans compter l’élection présidentielle qui arrive à grands pas.

« Arrêtons avec les attaques personnelles et les guerres picrocholines, et la commedia dell’arte, et les « gnagnagna » », a lancé à la tribune la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier.

Le Parti socialiste (qui organise son université d’été le week-end prochain à Blois) a clarifié sa position, jeudi, lors de l’ouverture de l’université d’Europe écologie à Strasbourg. Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a ainsi commenté la mobilisation du 10 septembre : « Nous devons l’accompagner » pour « lui offrir un débouché politique » de gauche, rapporte le Huflington post. Tout juste a-t-il convenu de « revendications encore floues ». Pour le reste, pas question de louper le coche d’une contestation qui peut être « massive (…), à la hauteur de l’exaspération et du rejet du pouvoir actuel ».

Même écho du côté de Fabien Roussel, chef de file d’un PCF rassemble ce week-end à Montpellier. « On demande aux Français toujours plus, de travailler plus longtemps et de gagner moins », confiait-il, vendredi, à Midi Libre. Ils se disent : « « C’est toujours les mêmes qui payent » Et on voit dans le magazine Chalenges, en juillet, que les riches s’enrichissent tous les ans. Il y a largement de quoi être en colère. Un mouvement citoyen me parait tout à fait justifié ! »

« Oui, il faut que M. Bayrou tombe »

Le leader communiste reconnait que le mouvement « part de la base des Français qui ne se reconnaissent pas dans les syndicats et dans les partis politiques ». Fabien Roussel n’est pas sûr, d’ailleurs, qu’il faille se joindre aux troupes anonymes « chacun avec ses drapeaux ». « Je n’appelle pas à soutenir en tant que parti. Au PCF, nous sommes des citoyens, des ouvriers, des infirmières, des enseignants, des routiers. »

Les syndicats décideront de leur propre calendrier et des modes de mobilisation après une réunion de l’intersyndicale prévue le 1er septembre.

La France insoumise, en université à Chäteauneuf-sur-Isère, a annoncé la couleur : « Le 10 septembre, il faut que ce soit la grève générale », a lancé Jean-Luc Mélenchon.

LFI a un homme dans le viseur : François Bayrou. « Son plan qui promet beaucoup de souffrances aux Françaises et aux Français », a déclaré le député Manuel Bompard à Ici Drôme Ardèche. « Il y a une colère très, très grande face à la politique de M. Bayrou et il est légitime pour les Françaises et les Français d’exprimer cette colère (…). Oui, il faut que M. Bayrou tombe. Et ensuite, puisque le président de la République écarte toute possibilité de dissolution de l’Assemblée nationale, c’est la question de son propre départ qui sera posée. »

Une élection présidentielle anticipée : voilà le pronostic de LF1… Ce qui signerait les limites de l’exercice de rapprochements à gauche. Car si l’écologiste Marine Tondelier plaide « l’union », Jean-Luc Mélenchon a déjà prévu de faire cavalier seul.

Arnaud Boucomont (L’Indépendant, le 23 août 2025)

Grand entretien de Fabien Roussel. « Nous serons de toutes les mobilisations » (La Marseillaise)

La Marseillaise : Vous commencez par intervenir ce samedi, aux universités d’été du PCF à Montpellier, sur le parti pris du travail. Pourquoi ce thème ?

Fabien Roussel : C’est l’actualité, pour beaucoup de salariés la vie est de plus en plus dure, année après année, budget après budget. D’un côté, les riches s’enrichissent, de l’autre, les travailleurs, les salariés, les retraités voient leur pouvoir d’achat fondre. Le pire, c’est que même ceux qui travaillent n’arrivent plus à payer leurs factures, et ne reçoivent en réponse du gouvernement que du mépris. Des leçons de la part de ministres millionnaires ! Il y a vingt ministres millionnaires dans ce gouvernement, qui voyagent avec chauffeur, qui gagnent 20 000 à 30 000 euros par mois et disent aux Français de faire des sacrifices supplémentaires ! Alors oui, la question de la dignité du travail, de la vie chère sera au cœur de la rentrée pour nous, avec le parti pris de la paix.

Sur la question du travail, une petite musique oppose les travailleurs à ceux qui ne travaillent pas, qu’ils soient sans emploi ou retraités…

F. R. : C‘est le cœur de mon livre. Justement, j’ai bien entendu ces derniers mois combien tout est fait pour diviser les Français, entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, et même les opposer en fonction de leur génération, entre public et privé, la campagne et les banlieues, leur couleur de peau, leurs origines… Tout est fait pour fracturer le peuple, abîmer la République. Et pendant que nous nous divisons, les financiers comptent leurs billets. C’est pour cela que j’appelle à ce que le monde du travail, qu’on ait un boulot ou pas, s’unisse et se mobilise, que l’on puisse enfin mettre les richesses que nous produisons au service du bien commun. Nous voulons vivre de notre travail, c’est cette campagne que nous voulons mener.

Les appels syndicaux se multiplient pour la rentrée, que ce soit dans l’énergie, la santé, mais il y a aussi cet appel à bloquer la France le 10 septembre. Est-ce que vous y appelez ?

F. R. : Il faut partir de la situation des Français qui souffrent, à qui on demande encore plus d’efforts. Et en face, les 500 familles les plus riches de France voient leur fortune augmenter, année après année. Il n’y a jamais eu autant d’inégalités dans notre pays et le gouvernement propose un budget encore plus dur. Il demande plus de sacrifices aux mêmes, toujours aux mêmes ! C’est bien légitime dans ce contexte-là que la colère monte de partout. C’est pour cela que nous serons de toutes les mobilisations, de celles des syndicats, des énergéticiens, des personnels de santé, des cheminots, de cette intersyndicale qui va se réunir le 1er septembre. Nous serons très attentifs à l’appel qu’elle lancera, pour le rejoindre. Et puis il y a aussi cette mobilisation citoyenne lancée avec ce slogan « bloquons tout ». C’est bien légitime que des citoyens appellent à se mobiliser. Bien sûr nous que nous en serons ! Nous serons de toutes les mobilisations qui appellent à la justice sociale, fiscale, climatique.

On entend parler de blocages, de retraits d’argents, de manifestations… Quelles modalités suivre pour ce 10 septembre ?

F. R. : C’est dans chaque lieu, dans chaque ville que chacun déterminera ses modes d’action. C’est pour cela que je suis plus attaché à soutenir l’appel des syndicats qui ont des modes d’action et revendications concrètes, discutées entreprise par entreprise, secteur par secteur. Quand il s’agit d’un mouvement citoyen, c’est plus vague. Mais ce n’est pas parce que cela reste vague qu’il ne faut pas le soutenir. Il faut respecter ce peuple qui se cherche, ne se retrouve pas dans les syndicats, les partis. Il vaut mieux l’accompagner que lui faire la leçon et le regarder avec défiance.

Cette défiance est aussi très vive dans ces groupes Telegram, dans leurs assemblées générales vis-à-vis des syndicats, des partis…

F. R. : Cette défiance existe depuis longtemps… Tout est fait pour creuser le fossé entre les salariés et les syndicats, les Français et les partis. C’est pour cela que la démocratie va mal. On a besoin de partis, de syndicats, de citoyens qui s’engagent. Appeler à s’engager dans l’action, même en dehors d’un syndicat ou d’un parti, c’est déjà un pas vers l’engagement. C’est pour cela que je soutiens cette démarche. Ce n’est pas au PCF de soutenir ce mouvement, mais à chaque citoyen engagé, y compris les militants communistes dans leur ville s’ils se retrouvent dans les mots d’ordre.

La principale cible de ce mouvement, c’est le budget du Premier ministre, qui dit qu’il faut être responsable face à la dette…

F. R. : La dette, la dette, la dette ! C’est le mistigri agité devant tous les Français pour leur demander de nouveaux sacrifices ! Ça fait aujourd’hui huit ans depuis que Macron est élu, huit ans qu’il nous demande des efforts toujours plus importants, travailler plus longtemps, gagner moins, payer plus les factures ! Et au final, la dette se creuse et les riches s’enrichissent. Nous ne croyons plus à leurs discours. Le remède qu’ils proposent d’affaiblir encore plus l’État est le pire des remèdes, celui qui peut conduire le pays à la récession. Ce dont le pays a besoin, c’est d’un État fort qui planifie l’économie, la transition écologique, la réindustrialisation, réinstalle des services publics, embauche, forme des jeunes. Nous avons besoin d’un bazooka d’investissements ! Nous proposons, nous, un choc d’investissements de 500 milliards d’euros sur cinq ans, pour répondre à tous les besoins du pays. Mais nous n’y arriverons pas juste avec une taxe Zucman ou un rétablissement de l’ISF comme le proposent d’autres à gauche. Il faut sortir le bazooka monétaire, utiliser l’argent des banques, de la banque centrale européenne.

Ce vendredi, l’ONU a déclaré l’état de famine à Gaza alors qu’Israël se prépare à une occupation. Comment arrêter cela ?

F. R. : Il faut faire plus ! Et ce n’est pas difficile, tellement peu a été fait. Ce qui se passe sous nos yeux aujourd’hui à Gaza nous horrifie tous. Ces massacres vont traumatiser toute une partie de la jeunesse de notre planète. Il y a un deux poids, deux mesures des chefs d’États de l’Union européenne notamment. Eux qui sont prêts à envoyer des soldats en Ukraine laissent mourir des enfants en Palestine. L’État de Palestine va être enfin reconnu, mais tellement tardivement qu’Emmanuel Macron risque de reconnaître un cimetière si on n’agit pas plus vite. Je demande à la France de mettre fin aux accords commerciaux avec Israël et d’arrêter d’importer des produits venant des territoires occupés, à l’Union européenne de mettre fin à l’accord de libre-échange avec Israël. Il faut aussi faire pression sur ces militaires appelés par le gouvernement raciste israélien à commettre ce génocide, faire appel à leur conscience. Les manifestations en Israël sont impressionnantes aujourd’hui pour demander le cessez-le-feu, le retour des otages et la fin de la guerre. La France devrait aussi menacer les soldats franco israéliens d’être convoqués au tribunal s’ils participaient à l’établissement de nouvelles colonies en Cisjordanie ou au massacre à Gaza.

Le Parlement israélien a approuvé mercredi la création d’une nouvelle colonie, ce ne sera pas trop tard pour une solution à deux États ?

F. R. : C’est pour cela que je dis qu’il y a urgence ! Le gouvernement israélien fait tout pour rendre impossible la solution à deux États, ils mettent en œuvre leur projet d’une nation juive éradiquant le peuple palestinien. Il faut accélérer, empêcher cette colonie dont l’objectif est d’expulser 5 000 Palestiniens de leur maison, de leur terre natale. Il y aura des communiqués pour condamner, mais que feront tous ces pays pour l’empêcher ? Il faut arrêter avec les déclarations, il faut agir.

On a aussi en tête les images du ministre israélien d’extrême droite Ben Gvir narguant le leader palestinien Marwan Barghouti en prison…

F. R. : Nous qui demandons depuis le début de cette guerre la libération des otages, nous réclamons aussi depuis des années la libération de Marwan Barghouti Nous en avons produit, des affiches et des tracts ! C’est un représentant de l’Organisation de libération de la Palestine, celui qui peut reconstruire un État de Palestine, unifier les Palestiniens. La France doit exiger sa libération. Vingt-sept ans en prison, c’est un prisonnier politique de la même dimension que Nelson Mandela. Sa libération permettra la réconciliation et la construction d’un État Palestinien.

Le PCF a signé un accord avec l’OLP, qu’est-ce que cela a permis ?

F.R. : Cet accord vise à ce que le PCF, avec les forces de gauche, les associations, organise des mobilisations pour une solution à deux États, le plus rapidement possible. C’est le sens de l’appel que je vais lancer ce samedi, aux Universités d’été. Nous allons proposer aux forces de gauches, aux associations, aux syndicats le plus rapidement une marche à Paris la plus large possible pour exiger la solution à deux États et des actes forts de la France pour empêcher le gouvernement Netanyahou de mettre en œuvre ses projets criminels.

La paix, c’est aussi en Ukraine, en particulier depuis la rencontre de Trump et Poutine en Alaska. Comment garantir cette paix ?

F. R. : C’est d’abord ne pas laisser deux dirigeants nationalistes se partager les territoires, les richesses qui se trouvent en Europe et sur la planète. Cette poignée de main entre ces deux hommes, c’est la pire image depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Deux dictateurs en puissance qui décident de s’asseoir sur les droits des peuples ! Nous appelons à ce que les nations européennes se réunissent rapidement pour créer leur propre traité de sécurité collective, garantissant la sécurité de chacun, jusqu’à la Russie. De Brest à Vladivostok, nous vivons sur la même terre, c’est à nous de créer les conditions d’une paix durable. Cela veut dire qu’il ne faut pas entrer dans des logiques de confrontation, et encore moins dans une économie de guerre qui conduit à accumuler des armes et à faire du continent européen une véritable poudrière. Ces centaines de milliards d’euros devraient plutôt être investis dans l’émancipation des peuples.

Il a justement eu cette autre poignée de main, entre Donald Trump et Ursula von der Leyen, pour notamment importer des armes étatsuniennes…

F. R. : C’est une trahison. Ce fut la douche froide de l’été de voir la présidente de la Commission européenne signer un accord avec Trump qui vassalise chaque nation et qui surtout risque d’appauvrir encore plus nos différentes économies. Nous refusons cet accord, et la France doit décider de le mettre à l’ordre du jour du Parlement, le soumettre au vote des députés, voire au vote du peuple français par un référendum, car les conséquences sont graves. Et nous appelons à ce que la France dise non à un tel accord et qu’il ne soit pas mis en œuvre.

Un autre chantier de cette rentrée politique, c’est la préparation des municipales. Quelles sont les ambitions du PCF, en France et en particulier dans le Sud ?

F. R. : L’élection municipale est une élection importante, parce que la commune est le dernier lieu de démocratie dans lequel les Français se retrouvent encore. Nous voulons prendre soin de présenter des programmes qui répondent le plus possible aux attentes des habitants, à construire les listes les plus larges possibles à gauche, avec des citoyens, dans chaque commune, chaque ville. Nous voulons montrer en quoi nous, communistes, sommes utiles. Il y a mille exemples que nous pourrions citer. Ici à Montpellier, nous sommes à l’initiative de la gratuité des transports ! Et c’est une proposition que nous portons dans toutes les grandes villes.

On voit les insoumis, parfois les écologistes qui veulent faire cavalier seul, au risque de voir des villes de gauche tomber…

F. R. : Je regrette ces choix. C’est leurs choix, c’est à eux qu’il faut poser les questions sur ce qui motive ces choix. Les Français ont besoin de voir des gens dans leurs communes prêts à s’unir, à travailler ensemble, même si peut-être nationalement des choses les séparent. Mais localement, il faut travailler ensemble pour la population. J’appellerai ce samedi aux rassemblements les plus larges au service des villes, des habitants. Nous voulons être utiles à ces rassemblements.

Les écologistes dans leur Université d’été plaident pour une primaire pour 2027. Quelle réponse vous leur donnez ?

F. R. : Ce n’est pas d’actualité.

L’unité à gauche, c’est peine perdue ?

F. R. : C’est en 2027 ! C’est dans deux ans, nous sommes aujourd’hui préoccupés par la dureté de la vie, le budget très dur que le gouvernement nous impose. Et les prochaines élections dans huit mois sont des élections locales, alors travaillons à cela. Empêchons que ce budget d’austérité soit mis en œuvre, et faisons en sorte que les meilleures listes l’emportent aux municipales.

Ce samedi, le maire LR de Saint-Raphaël inaugure un monument aux « 100 millions de morts du communisme ». Quelle a été votre réaction ?

F. R. : J’ai soupiré. Nous connaissons d’où viennent ce genre d’initiatives. La dernière fois que des stèles aux victimes du communisme ont été inaugurées en France, c’était sous Pétain. Cette initiative vient de la part d’un maire qui est soutien de Marine Le Pen, et donc d’un parti qui vient du Front national, créé par un ancien waffen-SS, par des collabos, dont le slogan c’est de « casser des métèques et tuer des communistes ». Cette stèle est une manière de réhabiliter l’extrême droite française et de pointer du doigt les communistes alors que les communistes français, eux, étaient du bon côté de la barricade. C’est aux habitants de Saint-Raphaël maintenant de s’exprimer, je ne vois pas ce que vient faire cette stèle avec les deniers de leur commune.

Propos recueillis par Yves Souben (La Marseillaise, le 23 août 2025)

La patronne de la CGT, Sophie Binet, à Perpignan le 5 septembre pour les 130 ans du syndicat (L’Indep)

Alors qu’une rentrée sociale agitée sa profile entre l’appel citoyen à « tout bloquer » le 10 septembre, le mouvement des taxis et les diverses mobilisations déjà annoncés par les syndicats, la venue de la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, en pays catalan est annoncée pour le 5 septembre prochain. Selon les instances départementales de l’organisation, cette visite se déroulera dans le cadre de la célébration des 130 ans de la confédération, fondée en 1895. Lors de sa visite, Sophie Binet devrait notamment se rendre au mémorial de Rivesaltes et à la bourse du travail de Perpignan (place Rigaud), où le syndicat présentera une exposition photographique à l’occasion du festival Off.

Arnaud Andreu (L’Indépendant, le 23 août 2025)

Note de lecture de Jean-Michel Galano. Aragon – Les communistes : plus qu’un roman, un livre de pleine actualité

Une remarque de James Joyce qui porte loin

Frank Budgen rapporte, dans son livre James Joyce et la création Ulysse, un jugement original du grand écrivain irlandais sur les mérites comparés des différentes langues parlées en Europe et la façon dont elles se prêtent à la création littéraire. Éminent linguiste lui-même (il lisait couramment une trentaine de langues et parlait quasiment sans accent le français, l’allemand et l’italien (dont il connaissait plusieurs dialectes). Joyce considérait que la langue française constituait, comparée à ses voisines, « un instrument assez pauvre ». Mais il complétait immédiatement cette appréciation négative en soulignant que les grands écrivains français avaient su tirer le meilleur parti possible de ce moyen d’expression limité.

Rien n’indique que Joyce, mort en 1941, ait connu les premiers écrits d’Aragon. Rien ne permet non plus d’affirmer le contraire. Mais le jugement que l’auteur d’Ulysse et de Finnegans Wake porte sur la littérature française m’a toujours paru s’appliquer de façon particulièrement adapté à un certain type de poésie, celle que travaille la musicalité, de Racine à Aragon lui-même, en passant par Verlaine et Apollinaire. Poésie où la puissance imaginative se lie à une rythmique toute personnelle, et à un travail permanent pour faire entendre au-delà des mots et des phrases banales une ligne mélodique et une sorte d’anoblissement. Mais pour Aragon, il ne s’agit pas seulement de poésie, et son lyrisme s’articule selon des voies originales à une volonté de réalisme social, de témoignage historique et de prise de position politique. Cette volonté de « tout dire », et de toutes les façons possibles, et plus encore de porter un regard critique dans les milieux sociaux les plus divers et les périodes les plus improbables se retrouve aussi dans l’œuvre romanesque, et au premier chef das cet étonnant roman, inachevé, remanié, qu’est « Les Communistes ».

Une période historique traditionnellement escamotée

Le cadre temporel de ce très long roman est en fait une période assez brève, celle qui va de la fin de la guerre d’Espagne jusqu’à la confirmation de la défaite de la France et aux premières tractations en vue de l’armistice. Autrement dit, de la « drôle de guerre » à la guerre effective, dont Aragon décrit avec minutie, cartes à l’appui, les moindres déroulements, croisant les décisions politiques et stratégiques, souvent cyniques et parfois aberrante, avec la réalité vécues sur le terrain tant par les armées que par les populations. Des temporalités se contredisent. Des dogmes se durcissent jusqu’à l’absurde. Des vieux généraux se racontent des histoires. La manipulation de l’opinion publique, déjà engagée à l’occasion du pacte de non-agression germano-soviétique et de la guerre entre l’URSS et la Finlande, trouve son prolongement dans les fausses nouvelles délibérément données aux troupes en recul, soi-disant pour les galvaniser, comme quoi l’armée française aurait envahi la Bavière…

Cette manipulation des hommes et des faits est de nos jours attestée et documentée. Pour autant, la période où elle s’est produite est le plus souvent évoquée comme un épisode, certes peu glorieux mais éphémère de notre histoire. On parle de la défaite de 1940 comme de notre « déculottée », dont la responsabilité incomberait essentiellement à un état-major incompétent et à des élites politiques dépassées. C’est là dissimuler l’essentiel. Et l’essentiel, Aragon le montre en braquant le projecteur tant sur les décideurs économiques que sur leurs commis politiques voire leurs hommes de main, c’est la volonté de revanche sur le Front Populaire.

Cette bourgeoisie si velléitaire quand il s’agissait de combattre le nazisme et l’extrême-droite en France se montre d’une surprenante efficacité pour mener la chasse aux diffuseurs de L’Humanité clandestine, avec une police qui n’hésite pas à torturer des enfants, à interroger des heures durant des personnes suspectes de communisme, à passer des heures en filature… La Résistance commence là, avec des stratégies de camouflage, de cloisonnement, d’anonymat.

Des gens prêts à risquer leur liberté

Rien d’hagiographique dans l’approche des communistes, militants, sympathisants, responsables, avec pour chacun la singularité d’une histoire personnelle. Des subjectivités qui se sont chacune construites différemment, selon des parcours de vie parfois sinueux. Avec pourtant trois traits en commun : le désintéressement, le sens de l’organisation et le partage d’une valeur forte, qui est justement ce que « communisme » veut dire : quelque chose qui dépasse les destins individuels, fait que la vie vaut la peine d’être vécue, c’est-à-dire au besoin risquée. Certains adversaires en sont conscients, par exemple ce député des Pyrénées Orientales Visconti, qui observe que « des gens prêts à risquer leur liberté pour ce à quoi ils croient » sont d’une autre étoffe que les opportunistes.

Or, au premier rang des valeurs pour lesquelles les communistes se battent et autour desquelles ils rassemblent y compris des chrétiens des étrangers et des personnes non politisées, il y a une certaine idée de la patrie. Cette France qui est déjà l’objet de marchandages abjects alors même que les soldats continuent de se battre, ils veulent la mettre sous la protection du peuple. Le centre de gravité politique du texte, c’est cette prise de position demandée au comité central clandestin par ce personnage ambigu et retors que fut le ministre Anatole de Monzie, et pour la transmission duquel Georges Politzer et Jacques Solomon servirent d’intermédiaires : le texte est cité deux fois dans le roman, une redite volontaire. « Le Parti Communiste considère comme une trahison d’abandonner Paris aux envahisseurs fascistes. Il considère comme le premier devoir national d’organiser sa défense. Pour cela il faut : 1- Transformer le caractère de la guerre, en faire nationale pour l’indépendance et la liberté. 2- Libérer les députés et les militants communistes ainsi que les dizaines de milliers d’ouvriers emprisonnés ou internés. 3- Arrêter immédiatement les agents de l’ennemi qui grouillent dans les Chambres, dans les Ministères, et jusqu’à l’Etat-Major, et leur appliquer un châtiment exemplaire. 4- Ces premières mesures créeraient l’enthousiasme populaire et permettraient une levée en masse qu’il faut décréter sans délai. 5- Il faut armer le peuple, et faire de Paris une citadelle inexpugnable. » À la lecture de ce texte, De Monzie, débarqué du gouvernement mais qui votera dans quelques jours les pleins pouvoirs à Pétain, déclare : « C’est un point de vue… Je crains que le point 3 suffise à le faire considérer comme pas très sérieux. »

Comment mieux illustrer le fait que la bourgeoisie française, au-delà de postures destinées à désorienter l’opinion, n’a jamais cherché à combattre Hitler ni le fascisme ?

Le roman le montre encore avec l’épisode presque surréaliste de l’interrogatoire musclé auquel est soumis pendant un bombardement Gaillard, sympathisant critique mais époux d’une militante internée, sommé de désavouer sa femme, et qui avant qu’une bombe les écrase tous a le temps de dire à ses supérieurs qu’ils n’ont jamais cherché d’autre victoire que contre le peuple.

Un qui ne s’y trompe pas, d’ailleurs, c’est Weygand, qui pousse le gouvernement à demander l’armistice, mais refuse de capituler au nom de ce qu’il appelle « l’honneur », et de la « nécessité » d’obtenir des Allemands une armée susceptible de « maintenir l’ordre » dans la capitale.

En d’autres termes, ce qui met les communistes au centre de cette période politique, ce n’est pas seulement le courage (d’autres en ont eu) mais la lucidité politique et la hauteur de vue que leur permet un sentiment d’appartenance collective et de responsabilité historique.

Un roman écrasé par les circonstances, mais un roman

« Les Communistes », c’est aussi un roman de formation un roman d’émancipation et un roman d’amour. Formation de Jean, étudiant en médecine et qui est un espèce de Candide, ingénu ballotté avec ses compagnons d’une unité de secours aux blessés, qu’Aragon présente comme son « enfant». Émancipation de la belle Cécile Wismer, amenée à la réflexion sociale et politique par l’écœurement que lui inspire le milieu de haute bourgeoisie dans lequel elle a baigné toute sa vie, et avec lequel contraste la droiture et la sérénité de cet ouvrier communiste horriblement mutilé qui se trouve être le frère de sa bonne. Amour enfin entre Cécile et Jean, avec la volonté de vivre, malgré tout. Une volonté dont ils ont trouvé l’exemple dans le monde réel autour d’eux.

Ce roman est écrit au présent, le présent de l’histoire en train de se faire, avec ses balbutiements et ses opacités. On serait tenté de dire qu’Aragon joue de tous les registres de l’écriture, épique, ironique, tragique romanesque, journalistique… Mais il ne s’agit pas d’un jeu. De loin en loin, l’auteur intervient en première personne, pour donner une précision ou émettre un jugement. Jamais on ne se trouve en présence d’un exercice de style. Par contre, à la manière de certaines écritures musicales et notamment celle de Schubert, un rythme travaille les récits les plus factuels, les plus arides en apparence, et les oriente tous, au-delà de leur contenu souvent atroce comme la vie réelle, vers la dimension du futur possible. « La défaite ne signifie rien. Il n’y a de sens que dans la victoire », médite le communiste Raoul Blanchard. « Cette rage d’être le plus fort. Avoir raison. Pas soi, bien sûr. Nous. Ensemble.. Ce que c’est, cette rage… Mais c’est le sens même de la vie… Rejoindre. Il a toujours été au front, Raoul. »

À l’heure où les semeurs de confusion tiennent le haut du pavé, où certains appellent vérités alternatives les mensonges les plus éhontés, où l’on démonétise les mots les plus sacrés, à commencer par ceux de « patrie » et de « résistance », où le narcissisme singe l’héroïsme, la lecture de ce grand roman, inachevé comme la vie elle-même, riche en figures dignes et fortes, est un formidable encouragement à la lutte et à la solidarité.