L’édito du TC par Évelyne Bordet. Le bal des vampires

Au cœur du capharnaüm politique et moral, l’entrée au panthéon de Robert Badinter aurait pu marquer une pause dans le tourbillon d’une semaine de folie, un temps pour penser, panser notre République meurtrie. Mais, dès la première image, le président de la République avançant d’un pas ferme vers l’événement solennel qu’il avait lui-même initié, alors que derrière lui, hésitant, Lecornu tentait d’habiter le costume d’un Premier ministre, ex Premier ministre, futur Premier ministre voire futur-ex… Image pathétique d’un régime à l’agonie… La soirée, comme le révélateur d’une société en perte de repères, et l’on oscille entre catalepsie et malaise.

Et puis, vinrent les interviews des hommes politiques invités. Darmanin, garde des sceaux alors démissionnaire, disserte sans vergogne sur tout ce qu’il a appris de Badinter, étrange démonstration de l’influence supposée d’un héritage politique, mais surtout de sa dénaturation. Un cauchemar !

Et là, une question troublante s’impose : comment a-t-on pu passer de Badinter à Darmanin ? On s’interroge alors sur l’inexorable mutation des valeurs et des pratiques politiques au sein de notre République. Une forme de désillusion collective, où les repères idéologiques s’effacent au profit d’une communication cynique et désincarnée. Bayrou, avec sa morgue coutumière, invoquant les valeurs humanistes du grand Homme, ajoutait à cette impression de trouble et de dissonance.

« Les morts nous écoutent ! » scandait à plusieurs reprises Macron, s’appropriant ainsi une formule puissante sans en rappeler l’origine. Cette phrase, prononcée par Robert Badinter lors de son discours au Vel’ d’Hiv, portait toute la charge de la colère et de la honte ressenties face au comportement de l’auditoire ce jour-là. Badinter, dans un élan d’émotion, avait lancé à l’assemblée : « j’ai honte pour vous » ! Alors oui, la honte est bien présente quand Macron n’a rien à nous offrir qu’une parole politique dévoyée, rien de plus !

Digne dans son silence, Elisabeth Badinter, regarde tristement ce bal des vampires infligé et force le respect…

L’édito du webzine. Macron, l’entêté

D’un côté l’idée que la majorité sorti des urne soit le Nouveau Front populaire est incongrue au yeux du Président Macron ; le NFP se dit pourtant prêt à gouverner. De l’autre, la macronie de déchire, sa marge de manœuvre se réduit de jour en jour obligeant Macron à renommer son ultime rempart, son fidèle soldat Lecornu.

Sans surprise, la rupture promise n’aura pas eu lieu, le président de la République choisit la continuité, quitte à enfoncer le pays dans la crise. À la sortie des 2h30 de réunion à l’Élysée, seuls la gauche et le président des députés Liot ont pris la parole sur le perron du palais présidentiel.

Ils ont conspué la teneur des échanges. « Nous sortons de cette réunion sidérés », lance la patronne des Écologistes Marine Tondelier. « Nous n’avons eu aucune réponse, si ce n’est que le Premier ministre qui sera nommé dans les heures prochaines ne sera pas de notre camp politique », prédit elle. Le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, poursuit « si le nouveau Premier ministre est dans le camp macroniste, nous ne pourrons pas l’accepter », prévient-il. Les Socialistes menacent : « il n’y a aucune garantie de non-censure notre part », tranche Olivier Faure, Premier secrétaire du parti. Laurent Panifous, député Liot, a estimé qu’il aurait fallu un net bougé sur les retraites.

Une débâcle annoncée

Aucun des membres des partis censés former ce qui était jusqu’alors nommé « socle commun » ne s’est exprimé. Pour Bruno Retailleau, « l’expression “socle commun” est morte dimanche soir, faute de confiance ». Pour lui, « s’il doit y avoir un avenir en commun, ce sera sur le fond, par une plateforme programmatique », a avancé le président des LR devant Emmanuel Macron.

Avec qui Sébastien Lecornu va-t-il former le gouvernement censé plancher sur le budget dès lundi en Conseil des ministres ? Son camp a implosé. Et la réforme des retraites, totem du second quinquennat d’Emmanuel Macron, semble être l’un des points de crispation majeur. Pourtant Élisabeth Borne, qui a imposé au pays une réforme des retraites injuste, illégitime et anti-démocratique, s’est dite ouverte à la suspension du texte. Cette simple évocation provoque l’ire de la droite et d’une partie du camp présidentiel. « Il n’y aura pas de ministre Horizons dans un gouvernement qui revient sur la réforme des retraites », indique Arnaud Péricard, porte-parole du parti d’Édouard Philippe sur BFMTV ce vendredi soir.

Les oppositions promettent la censure. Le « socle commun » se fracasse. Le Premier Ministre « le plus faible de l’histoire de la Ve République » présentera un budget lundi. Combien de jour va durer le troisième Premier ministre bis depuis la déroute de la macronie des dernières législatives ? Dissolution ? Démission de Macron ? Et après ? Dans quel état ils nous ont laissé la société française !!!

Dominique Gerbault

L’édito du TC par Nicole Gaspon. L’impasse

Il est très difficile de dire quelle sera la situation politique lorsque sortira ce Travailleur Catalan . Depuis quelques jours les événements s’enchaînent à grande vitesse, une machine folle est enclenchée et semble ne pouvoir s’arrêter.

Cette crise politique, ce cataclysme qui plonge le pays et ses habitants dans l’incertitude voire l’écœurement, n‘est pourtant pas venue de rien. Le responsable est connu, il siège à l’Élysée. Dissolution calamiteuse, mépris du vote des Français, du Parlement, entêtement à poursuivre une politique qui est un désastre social et écologique, refus de faire contribuer les riches, cadeaux sans contrôle aux entreprises… La liste est longue des choix gouvernementaux qui fracturent le pays, qui condamnent les premiers ministres successifs à l’impuissance. L’aboutissement en est la situation ubuesque que nous vivons aujourd’hui, l’impasse totale, un premier ministre qui démissionne quelques heures après avoir formé un gouvernement. C’est le même, cependant, que le président de la République a chargé de mener des négociations. Avec quelle légitimité ? Mystère.

La CGT vient de déclarer fort justement : « le président de la République a fait le choix du chaos institutionnel… Sébastien Lecornu n’a pas eu le courage de rompre avec la politique de l’offre. »

Tout cela sent la fin de règne, une fin lourde de menaces avec un RN qui se positionne et tend la main à la droite. Un contexte qui place la gauche devant une grande responsabilité, saura-t-elle l’assumer et ouvrir une réelle alternative ?

Alors, lorsque ce Travailleur Catalan sortira, on saura peut-être ce qu’il en est des différentes hypothèses, dissolution bis, démission du président, cohabitation. Quelle que soit celle qui sera retenue, on peut être sûr que vigilance et mobilisation populaires seront indispensables.

L’édito du TC par Michel Marc. La petite musique perverse… et réac

Elle est partout, elle s’impose, elle envahit les espaces médiatiques, elle devient l’ordre du jour dominant des débats et réflexions, lancinante et obsédante : « il faut gommer l’écart insupportable qui existe entre le revenu brut et le revenu net des salariés, celui qui compte, celui qui pose les euros sur le compte bancaire des travailleurs ». En corollaire, une idée associée et, ma foi, à première vue appétissante : « le travail doit payer plus, les salaires nets sont trop bas. Ils doivent augmenter ! ». C’est si simple.

L’idée existe depuis longtemps dans les petits papiers du FN, puis du RN. Elle y tient même une place de choix. Incapables d’en expliquer la moindre des conséquences pour la société toute entière et pour les citoyens eux-mêmes, les élus RN portent cette idée comme une évidence. Ils ne sont plus seuls ! Les partis de droite, ceux qui ne veulent pas entendre parler de nouvelles recettes, de réforme fiscale, de meilleure répartition des richesses, s’en emparent à leur tour. Ils ont trouvé ! Et de faire, à longueur d’antenne, de textes ou de discours, le tour de l’Europe, de l’Allemagne aux pays scandinaves, de l’Italie aux USA. La preuve est bien là. Chez eux, c’est comme ça et ça marche ! Plus besoin d’évoquer les milliards prélevés sur le travail là où ils sont, inutiles et provocants. La stratégie rhétorique reste identique à celle employée pour tenter de faire accepter la réforme des retraites. Les cotisations sociales sont rebaptisées « charges » sociales. Il faut travailler plus longtemps. Comme une évidence.

Idéologiquement, c’est le début du combat que la bourgeoisie voudrait mener contre la « Sécurité sociale », contre les « Services publics », contre les solidarités diverses qui structurent encore notre nation. Depuis le temps qu’ils essaient ! Là, ils avancent.

L’édito du TC par Jacques Pumaréda. Un capitalisme sous perfusion

Après les journées de mobilisation des 10 et 18 septembre, le nouveau nouveau Premier ministre, le troisième en un an, essaie de résoudre la quadrature du cercle. Comment imposer l’austérité à un peuple qui n’en veut pas ? Comment trouver une majorité quand on a perdu les élections ? Les mobilisations sociales fortes font monter la pression sur des dirigeants arc-boutés sur leur dogmatisme libéral. Le ruissellement promis est à sec ! Les travailleurs pauvres sont de plus en plus nombreux et les ultra-riches sont de plus en plus riches. Selon l’Insee, 1 % des ménages français ont un patrimoine net supérieur à plus de 2 072 millions d’euros. Le festin des actionnaires bat son plein pendant que la majorité de la population peine à joindre les deux bouts. Le débat public s’enrichit de nouvelles révélations, ainsi les sénateurs Fabien Gay (PCF) et Olivier Rietmann (Les Républicains) ont présenté un rapport sénatorial chiffrant les aides publiques aux grandes entreprises à deux cent onze milliards d’euros par an, sans contrepartie ni contrôle. Ces prodigalités ont un effet quasi nul sur l’emploi ou la balance extérieure. C’est le premier poste des dépenses de l’État. L’année dernière, les entreprises du CAC40 versaient 98 milliards aux porteurs de titres, les trois quarts en dividendes et le reste en rachat d’actions. Le soutien public à l’économie marchande représente plus de 33% du total de l’investissement contre 5 % dans les années soixante-dix. Bruxelles fait couler des rivières d’argent sur les industries de l’énergie, de la défense, des semi-conducteurs … On se gave au pays des assistés d’en haut et cela commence à se savoir. Au-delà des manifestants du 18, c’est 86 % des Français qui plébiscitent la taxe Zucman. Un point d’appui fort pour les syndicats et la gauche dans les semaines à venir. Dans cette lutte des classes intense, les classes d’en bas peuvent marquer des points. C’est en plus l’intérêt du pays.

L’édito du webzine. 18 septembre, suite et sûrement pas fin !

Au grand dam de Retailleau qui a tout fait pour mettre la pression afin que cette journée dégénère, ce 18 septembre a été un des grand moment de colère et de protestations avec, dans tout le pays, des manifestations massives, colorées, inventives, déterminées et joyeuses.

Après 1 million de manifestants, l’intersyndicale a mis une pression phénoménale sur l’exécutif. Le couple Macron-Lecornu va-t-il plier, rompre avec son orientation politique rejetée par une écrasante majorité de Français ? Il serait risqué de leur part de ne pas entendre le message pour la justice sociale porté par les manifestants et grévistes qui ont exprimé leur colère et, surtout, leur désir ardent de changement.

Mais la Macronie nie depuis huit ans la question sociale. Pourtant le mouvement social ne cesse d’exiger la rupture avec ce projet de budget 2026, « le musée des horreurs » présenté par François Bayrou. Ce mouvement social avance des propositions pour la justice sociale, la justice fiscale et écologique. Il est méprisé par Emmanuel Macron qui est passé en force pour imposer deux années de travail supplémentaire aux travailleurs.

Les organisations syndicales ont lancé, ce vendredi, un « ultimatum » au nouveau Premier ministre, lui laissant jusqu’à mercredi prochain pour répondre à leurs revendications. Parmi celles-ci l’abandon de tout le contenu du projet de budget 2026 (doublement des franchises médicales, désindexation des pensions, des prestations sociales, des salaires des agent·es de la fonction publique et du budget des services publics, suppression de 3.000 postes de fonctionnaires, réforme de l’assurance chômage…). Les syndicats réclament également l’abandon du recul de l’âge légal de départ à 64 ans.

Une soif de justice sociale et fiscale

Par ailleurs les organisations syndicales exigent l’ouverture de négociations salariales dans toutes les branches et les entreprises » et que ces dernières justifient les 211 milliards d’euros d’aides publiques qu’elles ont reçues.

Sébastien Lecornu s’est dit prêt à bouger, alors chiche « on attend des preuves ! » dit Marylise Léon de la CFDT. Sophie Binet, de la CGT enfonce le clou et prévient que « nous sommes en position de force et exigeons des réponses immédiates », et rajoute : « Nous ne rangerons pas les drapeaux tant que nous n’aurons pas eu gain de cause ».

Ne pas répondre à cette soif de justice et continuer sur la voie de la politique pro business, qui a asséché les finances publiques à coups de cadeaux fiscaux serait un aveu d’incapacité à gouverner le pays pour le sortir de l’ornière. Mais qu’attendre de la droite macroniste et de ses alliés du socle commun de plus en plus replié sur ses prébendes ? Seules les mobilisations sociales pourront inciter le pouvoir à plier et à faire pression sur les gauches pour qu’elles dépassent leurs divisions et soient au rendez-vous de l’histoire.

Dominique Gerbault