Déclaration de la CGT à l’occasion de la publication du rapport 2025 sur les entreprises qui minent la démocratie(*) (Webinaire de la CSI du 16 septembre 2025 – Emmanuel Vire membre de la CEC)

Le bloc d’extrême droite progresse depuis 40 ans et est maintenant aux portes du pouvoir avec plus de 30% des voix à chaque élection (Européennes 2024 : 38 % 9 millions de voix ; Législatives 2024 : 34% plus de 10 millions de voix. 140 députés sur 577).
Il y a un grand risque que le Rassemblement National, héritier du Front national parti néo fasciste, remporte les présidentielles en mai 2027.
Dans cette conquête du pouvoir une partie du patronat français a choisi. Comme dans les années 30 avec la fameuse expression : « plutôt Hitler que le front Populaire ». Et d’ailleurs pour la 1ere fois cette année le président du Rassemblement national Jordan Bardella a été invité aux universités d’été du patronat français.
Pour illustrer, 2 milliardaires français, Vincent Bolloré et Pierre Édouard Stérin, ont engagé une véritable bataille idéologique et culturelle pour faire gagner les idées d’extrême droite en favorisant une union des droites sur un programme libéral, conservateur et xénophobe. Et qui sont en lien avec Trump.
Ils ont organisé le 24 juin un « sommet des libertés ». C’était la première collaboration d’envergure entre les deux hommes d’affaires, qui se connaissent et participent, chacun à leur façon, à la droitisation du débat public en France.

D’abord Vincent Bolloré la 11e fortune de France avec plus de 11 milliards d’euros et qui possèdent le 1er éditeur français et un des premiers mondiaux (Hachette), une des plus grandes agences de communication mondiale (Havas), des chaînes de TV (Canal + 1er financeur du cinéma ; la 1ere chaine d’info CNews, des radios comme Europe 1, le 1er groupe de presse magazine avec 25% du secteur, des salles de concert, des réseaux de salles de cinéma, les magasins Relay présents dans les aéroports et les gares où Bolloré peut mettre en valeur les journaux et les livres d’extrême droite qu’il possède.
La tentation est grande en France de comparer Vincent Bolloré à Rupert Murdoch, le magnat australo-américain, à la tête d’un empire médiatique, qui, de Fox News au Sun, fait la promotion des discours les plus conservateurs.
Vincent Bolloré à la tête de Vivendi a cédé ses activités de logistique notamment en Afrique, pour axer lui aussi son groupe sur les médias et l’édition.
À chaque acquisition, le même scénario : mettre le cap éditorial à droite toute, pour ne pas dire à l’extrême droite.
Lorsqu’il reprend Canal + en 2015, il commence par supprimer les programmes d’investigation et d’humour. Sur sa chaîne d’information CNews, les thématiques sécuritaires et migratoires reviennent en boucle et on assiste chaque jour à l’antenne à un racisme décomplexé.
L’objectif de Bolloré est de permettre à l’extrême droite d’arriver au pouvoir en engageant une bataille culturelle contre les gauchistes et autres wokistes. Avec ses médias, ses maisons d’éditions, il cherche à droitiser encore plus le débat public. Comme aux États-Unis nous sommes entrés avec les médias de Bolloré dans une époque de post-vérité où on assène des pseudos vérités complètement farfelues. Tout cela porté par des réseaux sociaux gangrenés par l’extrême droite.
Mais Bolloré c’est aussi une violence sociale inouïe dans ses entreprises. Si vous n’êtes pas d’accord c’est la porte. A chaque fois qu’il s’empare d’un media on assiste au « grand remplacement » (le terme que l’extrême droite utilise pour désigner l’invasion migratoire) avec le remplacement des journalistes par des gens plus serviles.

Le 2e milliardaire Pierre Édouard Sterin est un peu moins riche mais sa fortune progresse très vite. Il est classé 81e avec 1,6 milliard en 2025 (soit 200 millions de plus qu’en 2024). Il a fait fortune avec Smartbox, une entreprise de coffrets cadeaux. Il est exilé fiscal en Belgique.
En 2022, le milliardaire avait confié vouloir consacrer l’intégralité de sa fortune au « redressement de la France et à la promotion du Christ ».
En 2024 le journal L’Humanité révèle que Stérin a créé un plan (construit en 2023) appelé Péricles « pour servir et sauver la France » et « permettre la victoire idéologique, électorale et politique ». La victoire « d’un ensemble de valeurs clés – liberté, enracinement et identité, anthropologie chrétienne… », contre « les maux principaux de notre pays – socialisme, wokisme, islamisme, immigration ». Et, pour commencer, aussi la victoire du Rassemblement national (RN) aux élections municipales de 2026.
Le plan prévoit « de déployer environ 150 millions d’euros sur les dix prochaines années via le financement ou la création de projets ».
« Périclès », qui doit se comprendre comme l’acronyme de « patriotes, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, européens, souverainistes », promet de « construire une relation de confiance avec tous les leaders de la droite de demain pour les faire travailler ensemble en cas de victoire électorale » et aussi de « fournir une réserve d’hommes de pouvoir prêts à servir à tous les postes clés (cabinets, structures parapubliques, haute administration) ».
S’agissant des municipales de 2026, le document fait état d’un « conseil opérationnel municipales » et d’un « projet validé par la direction et l’état-major du RN. Il signale aussi la « constitution d’une équipe par département pour valider les villes et identifier les candidats, dirigés par le DG du RN », et enfin un « objectif de 300 villes à gagner absolument par le Rn en mars 2026 ».
Pierre-Édouard Stérin avait déjà cofondé en 2017, La Nuit du bien commun, un événement annuel destiné à réunir des dons en faveur de projets des milieux catholiques conservateurs. En 2021, il crée un fonds de dotation, le Fonds du bien commun (FBC), dans lequel il prévoit de reverser à terme « l’intégralité de son patrimoine », à hauteur de 80 millions d’euros annuels.
Plusieurs projets sont déjà engagés :

  • L’animation d’une « guérilla juridique », à travers « un collectif d’avocats » afin « d’organiser et professionnaliser le contentieux stratégique en utilisant les leviers judiciaires, médiatiques contre l’islamisme, l’immigration, l’attaque à la liberté d’expression, la théorie du genre ». Le document évoque l’objectif de lancement de « plus de 20 procédures par an afin de faire changer la peur de camp, faire appliquer la loi et se défendre des attaques adverses, faire évoluer la loi ».
  • La création d’un « think tank Victoire politique » visant à devenir « le premier think tank de droite en France afin de réunir les principaux experts thématiques des sujets régaliens, d’influencer la sphère politique, médiatique, intellectuelle ».
  • La création d’une « école des futurs maires » et d’élus : « Une école de formation des futurs dirigeants politiques partageant nos valeurs en proposant aux futurs candidats (municipales, législatives) une palette d’outils stratégiques et opérationnels (communication, playbook, campagne électorale, analyse de données, financement, besoins en ressources humaines). Objectif : former et faire gagner en 2026 environ 1 000 maires de petites et moyennes communes. »
  • le rachat d’une école de journalisme pour former des journalistes dignes de confiance.

Évidemment chez ces 2 milliardaires nous assistons à une guerre contre les implantations syndicales.
Ils participent aussi par leur bataille culturelle et idéologique à diviser les travailleurs et à stigmatiser les plus marginalisés.
La bataille idéologique est très difficile en France en raison de la mainmise des milliardaires sur l’information. Ils possèdent 80% des médias. Le renforcement des lois anti-concentrations est donc une priorité pour la CGT.

(*) https://www.ituc-csi.org/corporate-underminers-of-democracy-2025-fr?lang=en

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