Depuis que le patronat français a, sur un demi-siècle, créé les conditions d’une liquidation en règle de l’appareil productif de notre pays, il a gagné beaucoup de sous en investissant dans la spéculation et la bulle financière. Il a provoqué ainsi ce que nous pouvions prévoir facilement, une fracture abyssale entre riches et pauvres en France et une précarisation de l’emploi majoritaire dans le monde du travail avec une fragilisation aigüe des services publics et de la protection sociale.
Certes, il reste encore quelques points forts incontournables qu’il n’a pu détruire, mais l’essentiel est dans la tendance lourde qui explique l’état de crise économique, sociale et culturelle que notre pays traverse. Nous arrivons à un point où cette stratégie peut amener l’extrême droite au pouvoir pour finir le sale boulot et museler le mouvement social, comme le dit si bien Sophie Binet. Mais elle peut aussi réveiller des consciences endormies qui commencent à se rendre compte qu’il faut se bouger. Tout est donc dans le choix auxquels les Français seront amenés à prendre leur responsabilité individuelle et collective. Dans ce contexte, la gauche ne peut pas faire de compromis avec les liquidateurs qui ont œuvré avec Macron et Hollande pour mettre à genou le pacte social français. Elle doit inventer, créer les conditions d’une nouvelle donne, prendre des risques nécessaires pour stopper le rapt des milliardaires contre le bien collectif.
Le patronat est désormais incapable de penser autrement que dans la logique de profitabilité qui le pousse à préférer le chaos de l’extrême droite au nouveau front populaire. La force du mouvement social et le respect de toutes les nuances de la gauche française sont les deux jambes qui doivent permettre de gagner. Ce n’est pas « gagné » certes, mais nous n’avons pas le choix. Dans le mouvement social, il n’y a pas les petits bras d’un côté et les grosses têtes de l’autre. Il y a tout le monde, femmes, hommes, citoyennes et citoyens de toutes les générations, qui peuvent faire basculer les choses. Puisse les manipulateurs assoiffés de pouvoir ne pas gâcher ce mouvement nécessaire. Au-delà de cette nécessité, il y a aussi un défi à relever, celui du travail, celui qui devrait permettre à chacune et chacun de s’épanouir et permettre à notre pays de retrouver sa fierté, sans oublier les migrants dont la France a un grand besoin, contrairement à ce que serinent l’extrême droite et la droite. Si les communistes insistent sur cette question, c’est parce qu’elle est une des clés de la réussite de la gauche si elle prend le pouvoir. Les aménagements de la misère ne font que figer une situation désespérante. Il faut associer solidarité et travail en évitant tous les pièges de la division, ce que dit aussi clairement Fabien Roussel.
Le 10 septembre ne doit pas être un grand soir du pétard mouillé. Il doit être le début de quelque chose, ce que les syndicats ont compris en prolongement les propositions de mobilisation au 18 septembre et au-delà.
Yvon Huet