Certains disent que le vote du budget de la Sécu est une déclaration de guerre contre le monde du travail et la démocratie sociale. Ils ont raison, mille fois raison. Mais il faut se demander le pourquoi du comment de ce vote de l’Assemblée plutôt que de ruer dans les brancards d’une armoire fermée par le clanisme populiste ou ramper face aux exigences de la table des privilégiés de la finance.
La raison essentielle qui explique le vote du budget, c’est le rapport de force actuel où le mouvement social piétine dans une résistance très minoritaire face à l’apathie générale qui envahit les chaumières où le chacun pour soi est devenu la règle obligée. Le nier, c’est se mentir à soi-même.
Malgré un effort très méritant des organisations syndicales, particulièrement la CGT, pour mobiliser les citoyens contre le projet de budget imposé par une gouvernance qui prépare sa guerre contre les peuples, et pas seulement le nôtre, la réplique résistante est beaucoup trop isolée. Ne pas le reconnaître, c’est nier la réalité, donc se tromper d’analyse et de stratégie.
Certes, se défouler sur le Parti socialiste est devenu un sport de compétition à essayer de savoir qui aura la médaille d’or de l’expression graveleuse. Et après ? La social-démocratie a toujours fonctionné avec le rapport de force. Quand le peuple revendiquait, elle penchait à gauche. Quand le peuple se taisait, elle penchait à droite… Doit-on nier cette évidence ?
Reste ceux qui sont dans le doute, environ une quarantaine de députés issus des mouvances communistes, écologistes et socialistes se sont réfugiés dans l’abstention. Consciemment ou non, ils n’ont pas voulu mêler leurs voix à celle des droites extrêmes qui représente à l’AN plus que toute la gauche réunie. Ils doivent penser que le rapport de force actuel impliquant une nouvelle élection législative qui piratera les élections municipales déjà difficiles dans un contexte de crispation guerrière entre LFI et le PS qui a fait exploser le NFP finira par une victoire sans partage de l’extrême droite. Doit-on les condamner pour cela ?
Pas simple, d’autant que le texte du budget envoyé au Sénat risque de revenir encore plus anti-social qu’il ne l’est en regard des quelques concessions arrachées par la gauche dans les amendements.
Plutôt que d’essayer de crier plus fort que les loups du fascisme rampant qui ont envahi les médias, c’est plutôt le moment d’essayer de comprendre ce qui se passe sur le terrain de la vie. Pourquoi les gens ne bougent pas, hormis les convaincus d’avance, quand un budget proposé aux Français va leur enlever l’essentiel de la protection sociale à laquelle ils ont droit ?
Il n’y a pas de réponse toute faite mais au moins un constat. La 5e République arrive au bout du rouleau de son histoire. Entre autoritarisme accentué menant au totalitarisme des héritiers de Pétain d’un côté et Révolution partageuse et démocratique de l’autre que seul un mouvement social puissant et unitaire pourrait initier avec, en cadeau de mariage, une gauche réconciliée, les Français auront à choisir parce que le marais du milieu s’est noyé dans la tempête des crises d’un système capitaliste qui se raidit en vieillissant.
Je peux me tromper d’analyse et je ne cherche pas à imposer mon ressenti. Mais j’ai appris après près de 60 ans de participation à la lutte politique et sociale que la réflexion posée vaut mieux que le pugilat des insultes qui pleuvent et s’évaporent aussi vite qu’elles sont tombées et permettent aux puissants de continuer à dormir sur le magot de leur vol à mains armées.
Au-delà de notre crise franco-française, il faut aussi réfléchir aux conséquences du succès des extrêmes droites sur la planète, aux USA, en Europe et même en Asie. Quelle réponse internationaliste pouvons-nous y apporter sans tomber dans le repli populiste ? Ce n’est pas une question annexe. Elle fait partie d’un ensemble où il faut faire du neuf et construire les bases d’une nouvelle internationale solidaire et progressiste.
