Nicolas Sansu. « Les macronistes veulent aller jusqu’aux ordonnances » (La Marseillaise)

Nicolas Sansu, député communiste et secrétaire de la commission des Finances, dénonce une « alliance » entre « la droite et l’extrême droite », à l’occasion de l’examen du budget. Entretien.

La Marseillaise : Comment se passe jusqu’à présent l’examen du projet de loi de finances (PLF) en commission ?

Nicolas Sansu : On voit une petite alliance droite-extrême droite, ça donne le la sur ce que sera ce budget dégueulasse. Ils vont tout faire pour qu’il n’y ait aucune nouvelle recette qui taxe les plus riches. Les amendements sur la taxe Zucman, sur l’héritage et sur le pacte Dutreil vont être ratatinés. Ça va être très compliqué, le rapport des forces n’est pas bon. À partir du moment où l’extrême droite fait le lit de la Macronie sur toute la partie recette, c’est fini. L’amendement qui prévoit l’indexation de l’impôt sur le revenu sur toutes les tranches a été refusé, c’est incroyable. C’est-à-dire qu’accepter l’indexation sur la première tranche seulement, c’est mettre des gens dits « de la classe moyenne », dans la difficulté. Certains vont basculer dans une autre tranche.

La Marseillaise : C’est l’imposture sociale du RN qui est dévoilée au grand jour ?

Nicolas Sansu : Aujourd’hui, le RN c’est la béquille de la Macronie. Ils prennent très peu la parole. Ce qui est extraordinaire, c’est qu’ils ne votent pas des recettes supplémentaires, mais veulent des dépenses supplémentaires. Ce qu’ils font n’a aucun sens.

La Marseillaise : Le « socle commun » – le camp présidentiel et LR – a déposé à lui seul plus de 750 amendements. Dans quel but ?

Nicolas Sansu : L’objectif est d’aller jusqu’aux ordonnances. Ils se gardent cette possibilité sous le coude. Ils ont déposé beaucoup d’amendements en commission, mais ça ne suffira pas à empêcher le débat. Il ira au bout. S’ils veulent faire durer le débat en séance, ils le feront. Ça peut être un choix, ce serait inédit, mais c’est une possibilité.

La Marseillaise : Qu’attendez-vous du débat qui débute vendredi dans l’hémicycle ? On imagine que la question de la taxe Zucman prendra une grande place dans les discussions ?

Nicolas Sansu : L’avantage, c’est que ce débat sera davantage mis en avant dans le public. Pour nous, l’objectif sera de démontrer que certains ne veulent pas de la taxe sur 1 800 foyers qui ont plus de 100 millions d’euros de patrimoine. Les gens se feront assez rapidement leur avis là-dessus.

La Marseillaise : Hasard du calendrier ou pas, ce budget, austéritaire et antisocial, a été présenté la semaine dernière, alors que la fortune de Bernard Arnault a bondi de 16 milliards d’euros en une seule journée…

Nicolas Sansu : Il a gagné 19 milliards de dollars en un jour. Sa richesse a augmenté parce que l’action de LVMH a augmenté. Le problème, c’est qu’il y a tellement de moyens pour transformer les actions en revenus dans des holdings familiales sans jamais qu’ils payent d’impôts. Il transmet ça à ses enfants sans jamais rien payer. C’est insupportable.

La Marseillaise : Après l’examen du PLF, place au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui prévoit, entre autres, la suspension de la réforme des retraites. Comment abordez-vous cette bataille ?

N.S. : Le PLFSS, c’est une boucherie ! Les apprentis qui sont assujettis à la CSG, auxquels on va piquer 45 euros par mois sur leurs salaires, c’est dégueulasse !

Pour la suspension de la réforme des retraites, on demande au gouvernement de faire une lettre rectificative. Le risque, si le budget passe par ordonnance, c’est que le texte initial soit repris. Si la suspension de la réforme des retraites n’est pas dedans, c’est fini. Le gouvernement aurait dû s’affranchir de ça en faisant un projet de loi ad hoc. C’était réglé, il avait le droit. Mais le voulait-il ? C’est une autre question.

Entretien réalisé par Laureen Piddiu (La Marseillaise, le 21 octobre 2025)

L’édito du webzine. La santé dans le collimateur des fonds vautours

Les fonds spéculatifs ne connaissent rien à notre système de santé mais suite au déficit d’investissements des pouvoirs publics organisé par la macronie, ils ont flairé le « pognon de dingue » à se faire.

Depuis des décennies les politiques libérales revanchardes ont mis à mal notre système de santé né du Conseil national de la Résistance et mis en œuvre par le communiste Ambroise Croizat. Cette année, on célèbre les 80 ans des la Sécurité sociale, ce système financé par les cotisations sociales et géré par les représentants des travailleurs. Son seul but est de répondre aux besoins de la population, il a été conçu en indépendance totale du capital.

Quatre-vingts ans plus tard, des fonds d’investissement veulent s’accaparer notre système de santé pour faire du profit, dans un contexte de vieillissement de la population. La financiarisation du système de santé pilotée par les appétits voraces des fonds de pensions est soutenue par la macronie. Elle organise sa dérégulation sous la bienveillance de la Commission européenne qui, elle aussi préfère les valeurs libérales à celles de la solidarité et de la puissance publique.

La financiarisation est « un processus par lequel des acteurs privés, non directement professionnels de santé, capables d’investir de façon significative, entrent dans le secteur des soins avec comme finalité première de rémunérer le capital investi », selon la Caisse nationale d’assurance maladie.

Revitaliser la Sécurité sociale

Ces nouveaux acteurs, fonds d’investissement et autres investisseurs privés, fonds de dette, attirés par la rentabilité du secteur, peuvent être conduits à « tirer rapidement et massivement profit de situations de rentes, à arbitrer entre activités au détriment des moins rentables, ou à faire évoluer les conditions d’accès aux soins en fonction de leurs intérêts économiques » selon l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) et l’IGF (Inspection générale des finances).

C’est l’essence même d’un système solidaire, universel, qui est menacé. Tout cela impacte évidemment la qualité et l’accès aux soins assurés par la Sécurité sociale. La CGT tire la sonnette d’alarme : « Nous devons nous battre contre cette marchandisation et retrouver une Sécurité sociale financée par la cotisation sociale, gérée par les représentants travailleurs et qui répondent aux besoins des assurés », indique la centrale syndicale dans un communiqué.

Revitaliser notre système de santé est la seule option pour éviter une bulle spéculative qui mettrait tout par terre est organiserait un retour en arrière d’autant plus insupportable que le vieillissement de la population et les épidémies pouvant découler du dérèglement climatique feront exploser les besoins.

Dominique Gerbault