La Confédération paysanne a surpris hier matin la plateforme logistique Azura de Saint-Charles à Perpignan avec une opération coup de poing. Elle s’est introduite dans ses locaux pour récupérer des barquettes de tomates et prouver qu’elles sont « mal étiquetées ». Les paysans dénoncent une « concurrence déloyale et illégale de leurs importations ». Ils ont ensuite pris la route vers une grande surface pour vider les rayons de ces tomates.
C’est sur la jonction de deux histoires que la Confédération paysanne a décidé de mener des actions hier matin dans les Pyrénées-Orientales. « Nous sommes là pour la défense de l’autodétermination du peuple sahraoui et le combat des producteurs français qui vivent une concurrence déloyale face à des importations prétendument marocaines, comme là chez Azura, alors que clairement les tomates qui arrivent ici sont produites au Sahara occidental », introduisait Fanny Metrat, porte-parole de la Confédération paysanne nationale.
C’est donc dans la zone Saint-Charles à Perpignan, à la plateforme logistique Azura, entreprise franco-marocaine, qu’a démarre le mouvement. Une soixantaine de paysans ont réussi à s’introduire dans les locaux afin de récupérer une barquette de tomates pour vérifier ses étiquettes. « On est allé chercher à l’intérieur pour avoir la preuve, on a trouvé une barquette étiquetée « Maroc », alors que depuis des années nous nous battons juridiquement, et nous avons gagné l’année dernière le procès, pour dire que l’étiquetage de ces produits-là n’était pas conforme. En fait, il devrait y avoir écrit « Sahara occidental ». Ces entreprises passent outre toutes les règles commerciales mondiales », poursuit la porte-parole.
Chassés en dehors des locaux après des échanges tendus avec les salariés, ils ont ensuite pris place devant les entrées pour bloquer l’accès aux camions et donc au déchargement de marchandises.
Aujourd’hui la Confédération porte plainte contre Azura, puisqu’en fait elle ne respecte pas l’accord de libre-échange qui a été signé entre l’Union européenne et le Maroc, puisque les produits importés par Azura sont des produits issus du Sahara occidental qui est un territoire non autonome. On attend depuis des années avec le peuple sahraoui qu’il y ait un référendum(*), mais du coup on bafoue le droit international, on bafoue les revendications portées par l’ONU, et on importe des produits qui ne sont clairement pas marocains », expriment les porte-parole.
Un combat mené pour la solidarité de tous les peuples mais aussi pour tenter d’éradiquer cette « concurrence déloyale ». Pour exemple, les représentants du syndicat rapportent que des tomates qui arrivent à moins de 4 € le kilo sont affichées sur le territoire français 8 à 10 € minimum le kilo, donc « une concurrence déloyale sur des importations illégales ».
Les actions se sont poursuivies en fin de matinée dans la grande surface Carrefour ou le syndicat a pu « constater d’énormes stocks de barquettes de tomates mal étiquetées ». « On les a récupérées et chargées dans des chariots. C’est bien la preuve que le consommateur est trompé », explique Jean Thevenot, délégué de la Confédération paysanne à la Via Campesina, mouvement paysan international. Cet agriculteur du Pays Basque dénonce notamment les questions des conditions de production socio-environnementales au Sahara occidental, « avec des salaires au minimum dix fois plus bas, typiquement sur la tomate cerise, qui est le produit principalement importé par Azura ».
Le combat est clair et ne semble pas s’arrêter là pour la Confédération paysanne. « On va continuer à s’attaquer aux accords, continuer les actions s’il le faut, même si on doit aller en justice », poursuit Jean Thevenot. « Ce qu’on dénonce aujourd’hui, c’est la concurrence à son paroxysme, vraiment la pièce la plus sombre peut-être du libre-échange qui met en compétition nos productions, avec celles issues de territoires occupés, qui sont produits par des salariés payés à très bas coût. C’est un cri d’alarme, parce qu’on n’arrive pas à vivre de notre métier ».
Laura Morales (L’Indépendant, le 27 novembre 2025)
(*) Comme le relate la Confédération paysanne, « Le Maroc est censé organiser un référendum d’autodétermination pour que le peuple sahraoui décide s’ils veulent rejoindre le Maroc ou s’ils veulent devenir un État indépendant. Ce référendum n’a jamais eu lieu. Donc aujourd’hui, le Maroc considère que le Sahara occidental est marocain, mais le droit international ne le considère pas. Du coup, quand le Maroc signe un accord de libre-échange avec l’Europe, avec l’Union Européenne, c’est un accord consacré au Maroc ».
