À l’occasion du 80ème anniversaire de la création de l’Organisation des Nations Unies le Mouvement de la paix appelle à la création d’un Front mondial des peuples pour la paix

Les guerres et les logiques de guerre se développent. La force tend à s’imposer au détriment du droit international. La militarisation de l’Europe et du monde se met en place. Les idéologies et gouvernements d’extrême droite se développent et ont accédé au pouvoir dans un nombre grandissant de pays.

L’agression de Poutine en Ukraine se poursuit, le processus de paix en Palestine et au Moyen Orient est encore bien fragile, Persistance des affrontements au Congo. Bombes sur le Yémen. Effusion de sang au Soudan. Trump entend imposer sa loi dans les caraïbes. Les usa et l’Otan appellent à porter le montant des dépenses militaires à 5 % du Pib. L’union européenne, la France et bien d’autres pays européens s’alignent sur ces orientations qui vont faire exploser le montant des dépenses militaires mondiales qui ont pourtant déjà atteint la somme vertigineuse 2.700 milliards de dollars en 2024 contre 1.000 milliards environ en l’an 2000. Dans le même temps les budgets sociaux et environnementaux sont rognés et les services publics remis en cause au prétexte d’une économie de guerre.

Comme le soulignent les organisations syndicales et de nombreuses ONG la militarisation des économies et le développement d’industries militaires (qui font bénéficier les actionnaires de profits bien supérieurs aux activités civiles) contribuent au commerce des armes, alimentant les conflits et contribuant à la détérioration de l’environnement. Par contre on assiste dans le même temps à des fermetures d’entreprises et des licenciements dans des industries répondant à des besoins des populations et à des services publics qui n’ont pas les moyens suffisants pour assurer leurs missions.

Ces logiques conduisent à une fragilisation du dispositif international en faveur du désarmement, et du désarmement nucléaire en particulier, et ce malgré l’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires qui a été gagné grâce à des mobilisations internationales. Cette évolution s’accompagne d’un développement des idéologies fascisantes et autoritaires.

Les forces du complexe militaro-médiatico-industriel et des idéologies autoritaires et fascisantes se développent, alors que le droit international et les institutions internationales dont les Nations Unies sont remis en cause. En fait les forces du complexe-lobby militaro-médiatico-industriel y compris en Europe sont déterminées à imposer la loi du plus fort contre le droit des humains à vivre ensemble en paix dans un monde de justice, de solidarité et de fraternité. Cette volonté se traduit par une violation régulière des règles du droit international et de la Charte des Nations Unies et par la marginalisation voulue des institutions internationales (et en particulier les Nations Unies et de toutes ses composantes) sur lesquelles repose les fondements du multilatéralisme.

Si la pression des populations en Europe et dans le monde existe, cette pression est insuffisante pour stopper ces logiques qui peuvent nous conduire aux pires catastrophes économiques, sociales, démocratiques et environnementales voire au possible basculement vers une extension mondiale de la guerre.

Pourtant des solutions existent tant pour l’Europe que pour le monde.

Les analyses et propositions des ONG et des organisations syndicales font apparaitre de larges convergences entre elles et avec les mouvements agissant pour la construction d’un monde de justice et de paix. Ces convergences s’expriment clairement à travers les récentes prises de positions de la CSI (confédération syndicale internationale) et de la CSE (Confédération syndicale européenne), de la conférence internationale contre les bombes A et H qui a réuni des militants venant de tous les continents à Hiroshima et Nagasaki en aout 2025, mais aussi à travers des prises de position de collectifs.

Ainsi en France le collectif national « En marche pour la paix » fort de près de 200 organisations nationales, régionales ou locales dont 3 des principales organisations syndicales (CGT, FSU , Solidaires) indique dans un appel de 2025 : « Nous refusons la guerre et l’économie de guerre comme horizon pour nos sociétés. Nous refusons la militarisation de la jeunesse et la captation des ressources par les industries de guerre. Nous appelons au respect du droit international qui demande de favoriser l’établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationale en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde » (article 26 de la Charte des Nations unies) et qui propose «de résoudre les crises en s’attaquant à leurs causes profondes par la voie du dialogue et de la négociation » (résolution ONU 52 13 du 15 janvier 1998).

Des mobilisations existent bien et elles nous ont permis il y a quelques années de gagner le traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Mais la situation internationale nécessite aujourd’hui le renforcement de l’action unie de NOUS LES PEUPLES au plan mondial à travers la constitution d’UN FRONT MONDIAL POUR LA PAIX.

De notre point de vue l’absence d’actions coordonnées et visibles au plan mondial contribue à créer chez les citoyens une sorte de découragement qui ne favorise pas le rassemblement des peuples pour la paix et en particulier des jeunesses du monde.

Il est de notre responsabilités à Nous les peuples à travers nos mouvements et organisations agissant pour la paix de travailler à la construction de ce front mondial pour la paix qui est nécessaire tant pour la paix en Europe que pour une paix juste et durable entre israéliens et palestiniens, que pour tous les autres conflits en cours. Cette construction doit se faire sur la base du respect du droit international, de la Charte des Nations Unies, des résolutions des Nations Unies et des décisions de la CIJ ainsi que sur la mise en œuvre des droits économiques et sociaux.

Pour le Mouvement de la Paix, le 80ème anniversaire de la création de l’ONU est une opportunité pour rappeler l’urgence de la mobilisation de « Nous les peuples » , à travers le monde pour la construction d’un FRONT MONDIAL POUR LA PAIX , un front contre l’économie de guerre, contre la militarisation de l’Europe et du monde et pour une sécurité humaine commune construite dans le respect de la Charte des Nations Unies et donc sur la base de logiques de coopérations et non d’affrontements, car pour son avenir face à tous les défis qui l’assaillent l’humanité n’a d’autres chemins que la paix.

En ce 24 octobre 2025 Le Mouvement de la paix réaffirme sa volonté de poursuivre partout en France les actions et débats sur toutes les questions liées à la défense du multilatéralisme et de la Charte des Nations Unies, et réaffirme sa résolution à agir pour stopper les guerres qui continuent à infliger à l’humanité d’indicibles souffrances et à associer nos efforts pour que le droit des humains à la paix devienne une réalité le plus vite possible.

Le Mouvement de la Paix
Le 24 octobre 2025

Daniel Durand : « Le risque de guerre mondiale est réel, mais il faut garder son sang-froid » (La Marseillaise)

Daniel Durand, secrétaire national du Mouvement de la paix de 1987 à 2002, est l’auteur de « Onu – droit international : Notre maison commune, notre avenir… »(*). Entretien.

La Marseillaise : Ce 80e anniversaire est célébré dans un contexte inquiétant, de « menace existentielle pour l’Onu ». Faut-il craindre le pire ?

Daniel Durand : Nous sommes dans une période difficile, inquiétante à de nombreux égards où le risque de guerre mondiale est réel. Mais il faut garder son sang-froid. Il y a déjà eu, ces quatre-vingts dernières années, des périodes extrêmes : les années 1960, avec les missiles russes à Cuba, les années 1980, avec les euromissiles et les risques d’affrontements en Europe, pour ne citer qu’eux. Il y a 80 ans on crée les Nations Unies, on établit une charte qui est censée régir les rapports des nations. Dès le départ, il y a deux conceptions qui vont s’affronter. Il y a l’espoir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’idée qu’on peut essayer de construire une humanité débarrassée de la violence, qui se traduit dans le texte fondateur par ce magnifique préambule « Nous, peuple des Nations Unies ». Et puis, il y a une autre conception qui traverse la charte de manière souterraine, c’est l’accord entre les deux vainqueurs de la guerre, l’Union Soviétique et les États-Unis, qui, pour régler leurs relations, privilégient le plan des rapports de force, et donc négocient entre eux le règlement au Conseil de Sécurité. Ce qu’on appelle le droit veto et la création de membres permanents. D’un côté, on a « nous, les peuples », et de l’autre, on a « nous, les États ». Cette opposition traverse l’histoire des 80 ans qui viennent de s’écouler.

La Marseillaise : Dans votre livre vous saluez la place que tient désormais le droit international grâce à l’Onu. Comment cela a été rendu possible ?

Daniel Durand : Dans les dernières années, il y a eu des évolutions profondes notamment concernant le droit international qui est devenu une question politique de premier plan. En 2024, à deux reprises, la Cour internationale de justice (CIJ) s’est prononcée sur le risque de génocide à Gaza et sur la légalité ou non de l’occupation israélienne. Ça n’avait jamais été tranché de manière claire depuis 1967. La CIJ a statué que « non », il n’y a pas de doute, l’occupation israélienne des territoires occupés est illégale et Israël doit s’en retirer. Ces décisions ou ces avis sont rejetés, contestés par les États-Unis, par Israël, mais elles posent un problème politique et c’est un appui pour tous ceux qui veulent construire un monde où il y ait des véritables normes. Donc, on est vraiment dans un débat.
C’est par ailleurs la pression des ONG qui a permis la création de la Cour pénale internationale (CPI). Celle-ci peut lancer des mandats d’arrêt contre quelqu’un comme Vladimir Poutine, le dirigeant d’une puissance membre permanent du conseil de sécurité.
Depuis trois ans [et l’invasion russe en Ukraine, Ndlr], Poutine ne peut plus se déplacer comme il le veut. Cela concerne aussi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu qui a été contraint de modifier son itinéraire de vol en se rendant à Washington pour ne pas survoler des pays comme l’Espagne ou autres, où il risquait d’être arrêté.

La Marseillaise : Vous appelez à une réduction drastique des dépenses d’armement dans le monde. C’est bien le contraire qui se déroule actuellement…

Daniel Durand : Il faut être extrêmement inquiet et mobilisé sur ce qui est en train de se passer, notamment sur l’augmentation considérable des dépenses d’armement. On va sans doute approcher à la fin de cette année des 3 000 milliards de dollars de dépenses d’armement. À la fin de la Guerre froide, en 1989, on était à 900 milliards de dollars. On sait que des armes, un jour ou l’autre, sont faites pour servir. On assiste à deux phénomènes inquiétants : l’accumulation d’armes dans de nouvelles parties du globe, par exemple au Moyen-Orient, dans les pays du pétrole et en Europe avec la volonté des différents pays européens maintenant de dépasser les 3 % du PIB et d’aller à 5 %.
La semaine dernière, le secrétaire général de l’Otan, a lui-même dit que l’augmentation des dépenses militaires se fait aux dépens des dépenses de développement, des dépenses sociales, etc. C’est le danger principal et immédiat auquel il faut faire face. Il ne faut pas lâcher sur le renforcement et l’élargissement des traités.

La Marseillaise : Comment rester optimiste ?

Daniel Durand : Il faut avoir un regard intériorisé par rapport à ce que représentent les Nations Unies. Les problèmes qui sont en face de nous que ce soit le climat, l’eau, les migrations, sont globaux et on ne les réglera que si on les ressent comme des problèmes touchant l’ensemble de notre communauté.

Entretien réalisé par Laureen Piddiu (La Marseillaise, le 24 octobre 2025)

(*) « ONU – droit international : Notre maison commune, notre avenir… », Books on demand éditions, 116 pages,, 15 euros.