Rapport d’enquête parlementaire sur les freins à la réindustrialisation et les collusions du rapporteur RN avec les intérêts du capital

Note d’analyse

Source : Rapport n° 1702, Commission d’enquête sur les freins à la réindustrialisation (Rapporteur : Jean-Philippe Tanguy, RN), Assemblée nationale, 10 juillet 2025.

Un rapport aligné sur la politique de l’offre et les revendications patronales

La commission d’enquête parlementaire, officiellement chargée d’identifier les « freins à la réindustrialisation », a mené ses travaux sous la houlette de Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement National).Dès l’analyse des auditions, un déséquilibre manifeste apparaît :

  • Très forte présence des représentants patronaux (MEDEF, CPME, fédérations industrielles, dirigeants de grands groupes, cabinets de conseil) qui ont occupé la majorité du temps d’audition.
  • Faible présence des syndicats de salariés, souvent relégués à quelques interventions formelles et sans réelle prise en compte dans les conclusions.
  • Absence d’acteurs critiques de la politique de l’offre, de chercheurs hétérodoxes ou d’associations de défense de l’environnement.

Le résultat est un texte qui illustre une forte proximité d’analyse et de propositions entre l’extrême droite économique et les grandes organisations patronales. Cette convergence peut s’expliquer aussi par la composition de la commission, présidée par un député de droite et dont les travaux ont été largement portés par des membres du RN.

1. Défense explicite des baisses massives d’impôts et de cotisations

Le rapport reprend sans nuance les arguments du patronat sur le « coût du travail » et la fiscalité des entreprises, en présentant les allègements massifs opérés depuis 2017 comme un levier central et indiscutable de compétitivité.

« La baisse massive et sans précédent des impôts […] a permis une amélioration de la compétitivité et doit être poursuivie. » (p. 24) « La chute record de 8 points du taux d’imposition sur les sociétés a permis la création de dizaines de milliers d’emplois. » (p. 25)

Deux préconisations vont dans ce sens :

  • « Poursuivre le réalignement compétitif en matière de fiscalité de production afin d’atteindre la moyenne européenne dans les trois prochaines années, tout en ciblant prioritairement les entreprises industrielles stratégiques et exportatrices. » (p. 405)
  • « Mettre en œuvre un programme pluriannuel de réduction des cotisations patronales sur les salaires situés au-dessus de 2,5 SMIC, financé par la lutte contre la fraude sociale et le recentrage des dépenses publiques. » (p. 405-406)

De plus, aucune analyse n’est proposée sur le coût budgétaire de ces mesures (plus de 80 milliards €/an pour les allègements de cotisations sociales) ni sur leur efficacité réelle en termes d’emplois pérennes, de réindustrialisation ou de salaires.

On retrouve ici la ligne du MEDEF : faire de la baisse des prélèvements obligatoires un objectif en soi, sans conditionnalité ni contrepartie, au détriment des recettes publiques qui financent les services collectifs et la protection sociale.

2. Exclusion assumée des syndicats et du contrôle démocratique

Le rapporteur écarte toute participation des syndicats ou des représentants du personnel au suivi des aides publiques, préférant un contrôle administratif et financier « neutre » exercé par des commissaires aux comptes, inspections générales ou cabinets spécialisés.

  • « Le comité social et économique (CSE)… n’a pas vocation à se prononcer sur les décisions d’investissement ou d’attribution d’aides. » (p. 247) « Les syndicats ne sont pas les garants d’un bon usage de l’argent public. » (p. 249)
  • Le rapport nie le rôle des élus du personnel dans la défense de l’emploi et dans la vigilance sur l’usage des financements publics.
  • Le pouvoir de décision dans des instances fermées, sans lien avec les salariés et les organisations élues qui les représente, facilite les arbitrages favorables aux directions d’entreprise.

3. Un projet de retraite par capitalisation au service des marchés

Le rapport ne se contente pas de proposer la mobilisation d’une épargne industrielle classique, comme pourrait le faire un livret thématique. En mentionnant explicitement les plans d’épargne retraite (PER) et en affirmant que l’objectif est de « contribuer à la capitalisation des retraites », il franchit une étape décisive.

La formulation reste enveloppée d’un langage technocratique qui atténue sa portée auprès du grand public, mais le sens est clair : c’est l’ouverture d’un second pilier de retraite dépendant des marchés financiers, sous couvert de soutien à l’industrie.

  • « Créer un fonds souverain public, alimenté par les actifs détenus en capital et en actions au titre des plans d’épargne retraite et autres produits d’épargne longue, afin de financer les entreprises industrielles stratégiques et de contribuer à la capitalisation des retraites. » (p. 284)
  • « Mettre en place un cadre réglementaire favorisant la création de fonds d’investissement thématiques consacrés à l’industrie, éligibles aux dispositifs d’épargne retraite et d’assurance-vie. » (p. 450-451)
  • « Développer l’actionnariat salarié dans les entreprises industrielles stratégiques, en facilitant l’acquisition de titres par les salariés via des dispositifs d’épargne salariale abondés. » (p. 411)

4. Déréglementation et assouplissement des normes environnementales

Le rapport dénonce les contraintes environnementales comme un frein majeur à la compétitivité industrielle :

« Les exigences environnementales excessives pèsent sur notre industrie et doivent être simplifiées. » (p. 335)

Plusieurs préconisations :

  • « Renouer avec le pragmatisme normatif pour simplifier la vie des entreprises industrielles, en appliquant systématiquement un moratoire réglementaire : toute nouvelle norme entraînant un coût doit être compensée par la suppression ou la simplification d’une norme existante. » (p. 413)
  • « Réduire à neuf mois maximum les délais d’instruction des projets industriels. » (p. 427)
  • « Mettre en place une procédure simplifiée et accélérée pour les projets stratégiques ou d’intérêt national majeur. » (p. 427-428)
  • « Assouplir les contraintes du Zéro artificialisation nette pour les implantations industrielles stratégiques. » (p. 417)
  • « Réduire les obligations de reporting extra-financier (RSE) pour les PME industrielles. » (p. 463)

5. Silence sur la responsabilité des actionnaires

Le rapport ne questionne jamais :

  • Les dividendes massifs versés par les grands groupes bénéficiaires d’aides publiques.
  • Les stratégies de délocalisation ou de fermeture de sites décidées par les conseils d’administration.
  • La financiarisation des entreprises et la pression exercée par les marchés financiers sur la rentabilité à court terme.

L’ennemi n’est pas désigné comme étant le capital ou la finance, mais les « normes », la fiscalité ou encore les syndicats.

Ce rapport pointe clairement la rhétorique classique de l’extrême droite « économique », qui protège les intérêts des grands groupes tout en prétendant défendre « l’industrie nationale » et ses emplois.

Déclaration de la CGT à l’occasion de la publication du rapport 2025 sur les entreprises qui minent la démocratie(*) (Webinaire de la CSI du 16 septembre 2025 – Emmanuel Vire membre de la CEC)

Le bloc d’extrême droite progresse depuis 40 ans et est maintenant aux portes du pouvoir avec plus de 30% des voix à chaque élection (Européennes 2024 : 38 % 9 millions de voix ; Législatives 2024 : 34% plus de 10 millions de voix. 140 députés sur 577).
Il y a un grand risque que le Rassemblement National, héritier du Front national parti néo fasciste, remporte les présidentielles en mai 2027.
Dans cette conquête du pouvoir une partie du patronat français a choisi. Comme dans les années 30 avec la fameuse expression : « plutôt Hitler que le front Populaire ». Et d’ailleurs pour la 1ere fois cette année le président du Rassemblement national Jordan Bardella a été invité aux universités d’été du patronat français.
Pour illustrer, 2 milliardaires français, Vincent Bolloré et Pierre Édouard Stérin, ont engagé une véritable bataille idéologique et culturelle pour faire gagner les idées d’extrême droite en favorisant une union des droites sur un programme libéral, conservateur et xénophobe. Et qui sont en lien avec Trump.
Ils ont organisé le 24 juin un « sommet des libertés ». C’était la première collaboration d’envergure entre les deux hommes d’affaires, qui se connaissent et participent, chacun à leur façon, à la droitisation du débat public en France.

D’abord Vincent Bolloré la 11e fortune de France avec plus de 11 milliards d’euros et qui possèdent le 1er éditeur français et un des premiers mondiaux (Hachette), une des plus grandes agences de communication mondiale (Havas), des chaînes de TV (Canal + 1er financeur du cinéma ; la 1ere chaine d’info CNews, des radios comme Europe 1, le 1er groupe de presse magazine avec 25% du secteur, des salles de concert, des réseaux de salles de cinéma, les magasins Relay présents dans les aéroports et les gares où Bolloré peut mettre en valeur les journaux et les livres d’extrême droite qu’il possède.
La tentation est grande en France de comparer Vincent Bolloré à Rupert Murdoch, le magnat australo-américain, à la tête d’un empire médiatique, qui, de Fox News au Sun, fait la promotion des discours les plus conservateurs.
Vincent Bolloré à la tête de Vivendi a cédé ses activités de logistique notamment en Afrique, pour axer lui aussi son groupe sur les médias et l’édition.
À chaque acquisition, le même scénario : mettre le cap éditorial à droite toute, pour ne pas dire à l’extrême droite.
Lorsqu’il reprend Canal + en 2015, il commence par supprimer les programmes d’investigation et d’humour. Sur sa chaîne d’information CNews, les thématiques sécuritaires et migratoires reviennent en boucle et on assiste chaque jour à l’antenne à un racisme décomplexé.
L’objectif de Bolloré est de permettre à l’extrême droite d’arriver au pouvoir en engageant une bataille culturelle contre les gauchistes et autres wokistes. Avec ses médias, ses maisons d’éditions, il cherche à droitiser encore plus le débat public. Comme aux États-Unis nous sommes entrés avec les médias de Bolloré dans une époque de post-vérité où on assène des pseudos vérités complètement farfelues. Tout cela porté par des réseaux sociaux gangrenés par l’extrême droite.
Mais Bolloré c’est aussi une violence sociale inouïe dans ses entreprises. Si vous n’êtes pas d’accord c’est la porte. A chaque fois qu’il s’empare d’un media on assiste au « grand remplacement » (le terme que l’extrême droite utilise pour désigner l’invasion migratoire) avec le remplacement des journalistes par des gens plus serviles.

Le 2e milliardaire Pierre Édouard Sterin est un peu moins riche mais sa fortune progresse très vite. Il est classé 81e avec 1,6 milliard en 2025 (soit 200 millions de plus qu’en 2024). Il a fait fortune avec Smartbox, une entreprise de coffrets cadeaux. Il est exilé fiscal en Belgique.
En 2022, le milliardaire avait confié vouloir consacrer l’intégralité de sa fortune au « redressement de la France et à la promotion du Christ ».
En 2024 le journal L’Humanité révèle que Stérin a créé un plan (construit en 2023) appelé Péricles « pour servir et sauver la France » et « permettre la victoire idéologique, électorale et politique ». La victoire « d’un ensemble de valeurs clés – liberté, enracinement et identité, anthropologie chrétienne… », contre « les maux principaux de notre pays – socialisme, wokisme, islamisme, immigration ». Et, pour commencer, aussi la victoire du Rassemblement national (RN) aux élections municipales de 2026.
Le plan prévoit « de déployer environ 150 millions d’euros sur les dix prochaines années via le financement ou la création de projets ».
« Périclès », qui doit se comprendre comme l’acronyme de « patriotes, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, européens, souverainistes », promet de « construire une relation de confiance avec tous les leaders de la droite de demain pour les faire travailler ensemble en cas de victoire électorale » et aussi de « fournir une réserve d’hommes de pouvoir prêts à servir à tous les postes clés (cabinets, structures parapubliques, haute administration) ».
S’agissant des municipales de 2026, le document fait état d’un « conseil opérationnel municipales » et d’un « projet validé par la direction et l’état-major du RN. Il signale aussi la « constitution d’une équipe par département pour valider les villes et identifier les candidats, dirigés par le DG du RN », et enfin un « objectif de 300 villes à gagner absolument par le Rn en mars 2026 ».
Pierre-Édouard Stérin avait déjà cofondé en 2017, La Nuit du bien commun, un événement annuel destiné à réunir des dons en faveur de projets des milieux catholiques conservateurs. En 2021, il crée un fonds de dotation, le Fonds du bien commun (FBC), dans lequel il prévoit de reverser à terme « l’intégralité de son patrimoine », à hauteur de 80 millions d’euros annuels.
Plusieurs projets sont déjà engagés :

  • L’animation d’une « guérilla juridique », à travers « un collectif d’avocats » afin « d’organiser et professionnaliser le contentieux stratégique en utilisant les leviers judiciaires, médiatiques contre l’islamisme, l’immigration, l’attaque à la liberté d’expression, la théorie du genre ». Le document évoque l’objectif de lancement de « plus de 20 procédures par an afin de faire changer la peur de camp, faire appliquer la loi et se défendre des attaques adverses, faire évoluer la loi ».
  • La création d’un « think tank Victoire politique » visant à devenir « le premier think tank de droite en France afin de réunir les principaux experts thématiques des sujets régaliens, d’influencer la sphère politique, médiatique, intellectuelle ».
  • La création d’une « école des futurs maires » et d’élus : « Une école de formation des futurs dirigeants politiques partageant nos valeurs en proposant aux futurs candidats (municipales, législatives) une palette d’outils stratégiques et opérationnels (communication, playbook, campagne électorale, analyse de données, financement, besoins en ressources humaines). Objectif : former et faire gagner en 2026 environ 1 000 maires de petites et moyennes communes. »
  • le rachat d’une école de journalisme pour former des journalistes dignes de confiance.

Évidemment chez ces 2 milliardaires nous assistons à une guerre contre les implantations syndicales.
Ils participent aussi par leur bataille culturelle et idéologique à diviser les travailleurs et à stigmatiser les plus marginalisés.
La bataille idéologique est très difficile en France en raison de la mainmise des milliardaires sur l’information. Ils possèdent 80% des médias. Le renforcement des lois anti-concentrations est donc une priorité pour la CGT.

(*) https://www.ituc-csi.org/corporate-underminers-of-democracy-2025-fr?lang=en

L’extrême droite, les riches et le patronat

À la CGT, nous ne sommes pas surpris mais inquiets du rapprochement RN / grand patronat. La CGT, elle a derrière elle 130 ans d’histoire sociale, et elle sait combien le capital manœuvre pour arriver à ses fins, en séduisant l’extrême droite.

Après la crise de 1929, et la montée du front populaire, on a vu les grands patrons, inquiets des revendications des travailleur∙ses telles que la réduction du temps de travail, les salaires ou les congés payés, celles qui sont encore d’actualité, basculer du côté des nationalistes ou de l’extrême droite.

À cette époque, la peste brune apparaissait comme un rempart au danger rouge, la lutte des travailleur∙ses. En regardant dans le rétroviseur, le phénomène revient en force plus particulièrement depuis 2017, encore plus depuis 2022 alors que l’on observe une augmentation de 18 % des syndicats patronaux qui soutiennent le RN. Evolution symbolisée cette année par l’invitation, une première, de Jordan Bardella par le MEDEF à ses universités d’été.

En effet, depuis 2022, on observe une porosité de plus en plus forte entre les milieux d’affaire et l’extrême droite française. Le RN modifie progressivement son programme économique et fait des appels du pied au patronat qui lui, dans sa grande majorité, a cessé de combattre l’extrême droite.

Aussi, la CGT n’est pas surprise mais soyons vigilants pour ne pas revivre l’épisode « plutôt Hitler que le front populaire », que la CGT a combattu avec le monde du travail.

Penser que cela n’existera plus n’est pas la réalité : face aux politiques d’austérité, qui mènent les salariés, privés d’emploi et retraités dans la paupérisation, et en l’absence de grandes conquêtes sociales, le danger est grave. Tout cela laisse un boulevard au capital qui sait où est son intérêt, et qui pourrait permettre à l’extrême droite d’accéder au pouvoir.

On observe une réceptivité de plus en plus importante en direction des idées nationalistes.

Cela nécessite que nous soyons plus que jamais informés pour prendre conscience de ce qu’il se passe dans les grands groupes industriels, les grandes entreprises de ce pays.

Notre bataille pour des médias indépendants et l’audiovisuel public doit être une priorité, alors que le grand patronat organise la diffusion des idées d’extrême droite en tout impunité et sans plus aucun complexe, à l’image de Bolloré ou de Stérin.

Cette note a pour vocation de comprendre et d’affirmer combien le patronat dans son intérêt se sert du RN pour lui offrir le pouvoir sur un plateau doré.

Évolution des votes MEDEF lors des différentes élections :

Parmi les proches d’un syndicat patronal :

  • 11 % des votants affirme avoir voté pour un candidat d’extrême droite au premier tour de l’élection présidentielle de 2017.
  • 13 % des votants affirme avoir voté pour un candidat d’extrême droite aux élections européenne de 2019.
  • 31 % des votants affirme avoir voté pour un candidat d’extrême droite au premier tour de l’élection présidentielle de 2022.
  • Parmi les proches d’un syndicat patronal : 27% des votants affirme avoir voté pour un candidat d’extrême droite au premier tour des élections législatives de 2024.

Patrick Martin, président du Medef, a refusé de donner une consigne de vote avant le second tour des élections législatives. En 2022, le syndicat des patrons avait soutenu Emmanuel Macron.

Analyse :

Il existe une tendance nette à la hausse du vote pour l’extrême droite parmi les proches de syndicats patronaux depuis 2017, avec un pic en 2022 (+18 points), probablement liée au contexte politique post-Covid, aux débats sur l’immigration, la sécurité et la souveraineté économique.

Le soutien est plus élevé lors des présidentielles que lors des européennes ou législatives.

Ces chiffres suggèrent une réceptivité croissante aux idées nationalistes et souverainistes parmi une partie du patronat, même si elle reste minoritaire par rapport à l’ensemble des votants.

Rencontre MEDEF et Extrême droite :

Avant 2019 : prise de position claire du MEDEF contre l’extrême droite

Depuis la mise en place des universités d’été du MEDEF, il y avait jusqu’en 2019 un cordon sanitaire voulu par le patronat qui se refusait d’inviter des candidats de l’extrême droite lors de cet événement.

En septembre 2011, Laurence Parisot, alors présidente du Medef, a publié un livre intitulé « Un piège bleu-Marine », coécrit avec Rose Lapresle. Dans cet ouvrage, elle avertit : « On trouve, sous chacun des mots de Marine Le Pen, tous les démons de l’extrême droite », dénonçant la stratégie de « dédiabolisation » mais pointant la continuité idéologique avec le père, Jean-Marie Le Pen.

C’était une position forte du MEDEF qui était connu pour être relativement réservé quand on parle de politique.

2017 premier contact jusqu’à la rupture du cordon sanitaire MEDEF / RN en 2019

En 2017, lors de la campagne présidentielle, le président du Medef de l’époque, Pierre Gattaz, indique qu’il rencontrera les candidats « majeurs », y compris « sans doute » Marine Le Pen, ce qui marque une ouverture pragmatique du patronat pour entendre l’ensemble du spectre politique pendant la campagne.

En juin 2019, c’est la première fois qu’une personnalité de l’extrême droite était conviée à intervenir lors de cette université d’été en la personne de Marion Maréchal, ancienne députée du FN (devenue RN). Elle était invitée à intervenir à une table ronde lors de la Rencontre des Entrepreneurs de France (REF).

« 250 personnes ont été sollicitées jusqu’ici afin d’obtenir un panel aussi large que représentatif de l’ensemble des sensibilités politiques, de La France Insoumise à Marion Maréchal », avait expliqué le directeur de la communication du Medef, Vincent de Bernardi. « On cherche à avoir des gens qui ont des sensibilités différentes dans les débats pour qu’émergent des controverses, des problématiques, c’est ça la démocratie ».

Réaction :

« Si cette information est exacte, c’est très grave », avait réagi jeudi sur Twitter l’ancienne présidente du MEDEF Laurence Parisot, qui avait publié en 2011 « Un piège bleu Marine », livre dans lequel elle dénonçait la menace qu’incarnait à ses yeux le Front national pour

la France.

Le vice-président de l’Assemblée nationale Hugues Renson s’était de son côté dit « choqué » vendredi par cette invitation, estimant qu’« on ne dialogue pas avec l’extrême droite, on la combat ». « Évidemment c’est une erreur, et je crois qu’on ne compose jamais avec l’extrémisme », a déclaré le député de Paris sur France 2.

Cette invitation a rapidement été retirée par Geoffroy Roux de Bézieux (président du Medef à l’époque), qui a justifié l’annulation par le contexte de polémique générée.

L’extrême droite devant le MEDEF :

  • 2024 : Auditions pour les européennes / « grand oral » : le Medef a organisé des auditions / rencontres avec les têtes de liste des européennes où figuraient des représentants classés à droite et d’extrême droite — Jordan Bardella (RN) et Marion Maréchal y apparaissent dans les comptes rendus. Ces auditions sont des rendez-vous « politiques » organisés par le Medef pour présenter/évaluer les programmes face au patronat.
  • 2025 : Université d’été du MEDEF : première invitation d’un membre du Rassemblement national Jordan Bardella. « Je sais à quel point l’incertitude, l’instabilité du moment est probablement pour vous le pire des boulets qui est attaché aujourd’hui au pied de notre nation et de notre pays », a-t-il déclaré.

Promesses / séduction du RN en direction du patronat

Le RN propose un « pacte de confiance » aux chefs d’entreprise qui irait de la « TPE-PME au dirigeant du CAC 40 en passant par l’artisan ou le commerçant ». Sans préciser la teneur d’un tel pacte. « L’idée c’est de dire que la puissance nationale ne sera pas possible sans des entreprises fortes », résumait à l’époque l’entourage de Jordan Bardella.

Septembre 2024 : le Rassemblement National (RN) a dévoilé un document destiné à séduire le patronat. Ce livret a été présenté lors du séminaire de rentrée des députés RN à l’Assemblée nationale, ce livret met en avant une vision économique libérale, axée sur la compétitivité des entreprises et la réduction de l’intervention de l’État.

Réduction des impôts et des charges :

  • Suppression de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) dans certaines zones.
  • Suppression de toutes les cotisations patronales sur les augmentations de salaires jusqu’à 10 %.

Simplification des normes et des réglementations :

  • Remise à plat totale des normes et réglementations, avec une consultation des partenaires sociaux et des entreprises.
  • Suppression de l’ISF, à l’exception de la résidence principale et des œuvres d’art.

Soutien à la compétitivité des entreprises :

  • Baisse de la fiscalité des entreprises, visant à réduire la part des prélèvements obligatoires de 46 % à 40 %.
  • Réduction de l’impôt sur les sociétés, avec un taux de 20 % pour toutes les entreprises.

Politique de préférence nationale :

  • Réserver des emplois aux Français en cas de candidature nationale, avec des exceptions pour les compétences rares.
  • Interdiction d’embauche d’un étranger en cas de candidature d’un Français.

Nos positions CGT vis-à-vis du programme économique de l’extrême droite :

Essentiellement des mesures favorables au patronat, pas aux salariés

  • La défiscalisation des heures supplémentaires, réduit le salaire socialisé et impacte négativement les droits sociaux des travailleurs.
  • La suppression de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui bénéficient principalement aux employeurs.
  • Des allégements de charges sociales pour les entreprises, sans contrepartie en termes d’emplois ou de conditions de travail.

Ce programme donne la part belle au capital au détriment des travailleurs, une politique économique libérale et inégalitaire :

  • Une baisse de l’impôt sur les sociétés, qui profite davantage aux grandes entreprises qu’aux petites et moyennes entreprises.
  • Une réduction de la fiscalité sur les revenus supérieurs à 3 millions d’euros, mesure favorable aux plus riches.
  • La suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) aggravant les inégalités sociales.
  • La suppression de la contribution foncière des entreprises (9 milliards d’euros par an), l’exonération de la contribution sociale de solidarité des sociétés (5 milliards d’euros) et la valorisation des crédits d’impôt recherche et innovation, aides perçues principalement par des multinationales, sans aucune contrepartie.

Le RN ne parle jamais des aides massives aux entreprises qui sont pourtant chiffrées à 211 milliards d’euros par le récent rapport sénatorial qui confirme l’alerte posée par la CGT depuis plusieurs années notamment grâce à l’étude IRES CGT avec le Clersé de l’Université de Lille « Le capitalisme sous perfusion » (2022).

Imposture sociale, le RN prêtent défendre les travailleurs mais le RN ment :

S’oppose à des mesures telles que l’indexation des salaires sur l’inflation, le blocage des prix des produits de première nécessité et la gratuité des cantines scolaires pour les plus modestes.

A voté contre la revalorisation des petites retraites et contre le recrutement de sapeurs-pompiers, contre l’augmentation du smic…

L’extrême droite instrumentalise et divise les travailleurs

  • Diviser les travailleurs en opposant les Français aux étrangers, les salariés du public à ceux du privé, ou les jeunes aux retraités.
  • Détourner l’attention des véritables responsables des inégalités sociales, à savoir les politiques économiques néolibérales et les grandes entreprises.

Lobbying dans les cercles patronaux français:

Depuis quelques années, une porosité croissante existe avec l’extrême droite, via certains mécènes, clubs privés et initiatives intellectuelles, même si le grand patronat officiel reste majoritairement méfiant.

Pierre-Edouard Stérin, Fondateur de Smartbox, il finance un projet appelé « Périclès » – un plan de 150 millions d’euros sur 10 ans visant à renforcer les idées identitaires et anti-islam, en coordination avec le RN et les LR.

Vincent Bolloré, Bien que moins directement affilié à l’extrême droite, son empire médiatique (Canal+, JDD, Europe 1 favorise des discours réactionnaires.

Gérault Verny, entrepreneur en Auvergne-Rhône-Alpes, est proche de Marion Maréchal. Il finance l’ISSEP et a soutenu Éric Zemmour via le média Livre Noir (devenu aujourd’hui Frontières).

Laurent Meeschaert, mécène, finance également des médias identitaires comme L’Incorrect ou Livre Noir, ainsi que des initiatives de « droite hors les murs ».

Henri Proglio, ancien PDG de Veolia et EDF, s’est affiché publiquement en 2024 avec Marine Le Pen — un geste rare parmi les grands patrons, qui restent majoritairement prudents vis-à-vis du RN. Cela peut être interprété comme une ouverture d’une partie du grand patronat.

Cercle Audace, proche de Marion Maréchal où se croisent entrepreneurs, investisseurs et figures identitaires.

E-Politic, Société de communication fondée en 2014 par un ancien cadre du FN. Elle a géré la présence en ligne de campagnes de Marine Le Pen en 2017 et 2022.

Frédéric Chatillon, Dirigeant de l’agence de communication Riwal, il a été militant du GUD (Groupe Union Défense) et reste proche de Marine Le Pen, pour laquelle il a souvent assuré des services.

Axel Loustau, formé au GUD business, il dirige la société Les Presses de France, prestataire pour le FN. Il a également servi comme trésorier du micro-parti Jeanne, affilié à Marine Le Pen.

Ressources pour aller plus loin :

  • Numéro spécial « Extrême droite, NON ! » de la Vie Ouvrière
  • Collaboration, enquête sur l’extrême droite et les milieux des affaires (Éditions La Découverte 2023) par Laurent Mauduit, cofondateur de Mediapart et journaliste économique. Laurent Mauduit, dans son ouvrage d’investigation analyse les liens et met en évidence une certaine logique de rapprochement entre certaines élites économiques françaises et les mouvances d’extrême droite.
  • Le rapport Ces entreprises qui menacent la démocratie 2025 de la CSI présente une sélection annuelle d’entreprises emblématiques qui violent les droits syndicaux et les droits humains, concentrent le pouvoir de l’industrie, se soustraient à l’impôt et à la responsabilité sociale, passent outre la volonté populaire et les politiques publiques en recourant à un lobbying intensif, exacerbent la catastrophe climatique et, surtout, investissent activement une partie des profits qu’elles doivent au travail de leurs employés dans les forces politiques d’extrême droite.